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S elon une étude du SPF Économie publiée en 2014, on comptait dans les foyers belges 1,5 million de chiens et 2,2 millions de chats. Plus d’un ménage sur cinq possède au moins un chien et plus d’un sur quatre, un chat. L’étude précisait encore que les dépenses cumulées pour les animaux de compagnie avoisinaient, au total, 1,3 milliard d’euros… Une situation manifestement comparable à celle de nos voi- sins car, si l’on en croit un article des Échos publié récem- ment, en septembre 2018, les Français dépensent chaque année près de 4,4 milliards d’euros pour leurs animaux domestiques. En dix ans, la taille de ce marché a été multi- pliée par 1,5, ce qui représente une progression des ventes annuelles de 4 % en moyenne depuis 2007. Si les dépenses de nourriture sont les plus importantes, l’augmentation des frais liés aux accessoires, aux jouets, au toilettage est également notable. Et cela n’est pas prêt de s’arrêter : selon les professionnels du secteur, le marché profite des innovations technologiques et propose maintenant des colliers pour géolocaliser son animal et des distributeurs de nourriture commandés à partir de son smartphone. Et si les rayons spécifiques pour les animaux de compagnie pro- lifèrent déjà en grande surface, on voit maintenant fleurir, à leur intention, des pensions, des hôtels, des assurances, des centres de crémation… et des cliniques. 30 MILLIONS D’AMIS En tête du peloton des compagnons animaliers, les pois- sons en aquarium sont suivis par les chats, les oiseaux et les chiens se tenant dans la roue. Mais on observe aussi une hausse progressive des amateurs des “nouveaux ani- maux de compagnie” (NAC) parmi lesquels le furet, le lapin, le cobaye et le perroquet ainsi que, bizarrement peut-être, les iguanes, les araignées et les serpents. « Cette évolution est notable, relève le Pr Marc Vandenheede, éthologue à la faculté de Médecine vété- rinaire. Auparavant, la société se préoccupait essentielle- ment des chevaux, symboles de pouvoir et de prestance, collaborateurs infatigables dans l’agriculture et la sylvicul- ture. Du temps de nos grands-parents, les chiens étaient certes “les meilleurs amis de l’homme”, mais ils vivaient et dormaient très souvent à l’extérieur. Ils étaient esti- més pour leur aide précieuse lors de la chasse ou dans leur fonction de gardiennage. Leur capacité à tirer des traîneaux ou des chariots était appréciée tout comme leur manifeste talent de guide, mais leur place n’était pas à la maison. Généralement d’ailleurs, l’animal domestique était surtout considéré comme un investissement et devait donc travailler pour mériter les soins reçus. » Diverses aptitudes ont d’ailleurs fait l’objet d’une sélection assez ancienne. Au départ, il n’y avait qu’une seule espèce voisine du loup ( Canis lupus ). S’il y eut quelques croise- ments naturels, la domestication (il y a 15 000 ans) a donné lieu à des sélections orientées, les hommes ayant favorisé certaines particularités canines, telles que le flair, l’endu- rance, la force. Mais à l’heure actuelle, la sélection poursuit d’autres objectifs, ceux des clients recherchant des “com- pagnons à quatre pattes” sur mesure. Ainsi a-t-on conçu un toutou de (très) petite taille pour vivre en appartement, un autre avec des cheveux pour les maîtres allergiques aux poils, etc. « Cela conduit souvent à de véritables aberra- tions, observe Marc Vandenheede, puisque beaucoup de chiens de race sont porteurs de maladies génétiques, voire de handicaps, que nous générons maintenant sciemment ! Regardez les chiens brachycéphales par exemple, dont le nez écrasé provoque des difficultés respiratoires et occa- sionne de véritables souffrances. Le critère commercial l’a emporté sur le bons sens et cela pose la question de la responsabilité des éleveurs, scientifiques, des vétérinaires, des propriétaires, etc. » Progressivement, on est passé de “l’animal-objet”, “l’ani- mal utilitaire”, au partenaire social, à “l’animal-membre de la famille”. Si le chat – apprécié précédemment pour sa capacité à éloigner des greniers les souris ou les rats – a conquis les fauteuils du salon, une relation plus fusionnelle s’est instaurée avec le chien. On lui parle, on lui confie nos joies, nos peines, nos soucis. « Cette évolution prend son origine dans les années 1960 et est contemporaine de l’émergence de la société de consommation, expose le Pr Dominique Peeters du département clinique des ani- maux de compagnie et des équidés. La médecine vété- rinaire a d’ailleurs suivi le même mouvement : autrefois consacrée aux animaux de rente (vaches, porcs, moutons, chèvres et poules), elle s’est orientée dans les années 1980 vers les animaux domestiques. Les particuliers ont d’abord amené leurs chiens en consultation; depuis 2000, ils demandent aussi que l’on soigne leurs chats. » LA CLINIQUE VÉTÉRINAIRE UNIVERSITAIRE Bâtie dans les années 1980 à l’heure où elle s’occupait très majoritairement des “grands animaux” (chevaux, porcs et vaches), l’actuelle clinique vétérinaire universitaire de l’ULiège s’est adaptée progressivement à sa nouvelle patientèle, les animaux domestiques qui peuplent désor- mais les salles d’attente des cabinets de vétérinaires ainsi que les NAC plus récemment accueillis dans les foyers et les consultations au Sart-Tilman. À l’instar de la médecine humaine, la médecine vétérinaire se spécialise, se dote d’instruments chirurgicaux et d’équipements d’imagerie médicale. « Une mutation qui a aussi des répercussions sur les études et la profession. En 1980, les filles étaient très minoritaires dans les amphithéâtres ; aujourd’hui, elles constituent près de 90% de la population étudiante », note le Pr Peeters. À tel point qu’il y a maintenant pénurie de vétérinaires pour s’occuper des animaux de rente et pour effectuer les contrôles dans les abattoirs. En 2015, comme ses homologues de Londres, Uppsala ou Paris, l’université de Liège a décidé de se doter d’une nouvelle clinique pour “animaux de compagnie”, plus spa- cieuse, mieux équipée, plus accueillante au public et aux étudiants de master qui y font leurs gammes. Elle a été inaugurée le 30 avril dernier. « Le nouveau bâtiment est le fruit de discussions fertiles avec les architectes », résume le Pr Dominique Peeters, artisan de la nouvelle construction. L’espace doit en effet être polyvalent afin d’accueillir les propriétaires d’ani- maux, les médecins vétérinaires et les étudiants, tout en veillant à séparer les chats des lapins et canaris, les ani- maux malades des patients opérés, etc. « Notre objectif est de faire face à l’augmentation très nette du nombre de consultations et d’actes chirurgicaux concernant les animaux de compagnie et de mettre des équipements de pointe à la disposition de cette patientèle. C’est ainsi que nous disposons maintenant d’une IRM neuve pour chiens et chats, d’un nouveau scanner pour les examens sur che- vaux debout, d’une salle de physiothérapie avec piscine pour la rééducation de chiens traumatisés ou paralysés, d’une salle d’angiographie interventionnelle, etc. » Les étudiants peuvent maintenant assister, dans des condi- tions optimales, à des consultations et à des opérations chirurgicales. Vers une éthique animale Cette attention accrue envers les animaux de compa- gnie est une application récente du concept de “bien- être animal”, voire de la science du bien-être animal. Elle débouche sur des considérations d’“éthique animale”. Auparavant cantonnée dans la sphère des philosophes, cette réflexion autour du statut de l’animal est maintenant évoquée dans bien des domaines car elle touche à nos habitudes, à notre alimentation, à notre médecine. Alors que les théories behavioristes considéraient que les animaux étaient dépourvus d’émotions (dire le contraire était faire preuve d’un anthropomorphisme cou- pable), l’éthologie moderne associée aux progrès des CVU La clinique vétérinaire universitaire (CVU) se com- pose de trois pôles, celui des animaux de com- pagnie, celui des équidés et celui des animaux de rente. La CVU est une clinique de cas référés : la majeure partie des animaux sont adressés par les médecins vétérinaires traitants. Des spécialistes (chirurgiens, radiologues, cardiologues, oncologues, dermatologues, etc.) disposent d’outils de pointe pour accueillir ces animaux malades ou blessés. En 2018, 1400 actes de chirurgie ont été réalisés sur des animaux de compagnie. Et près de 12 000 consultations ont été assurées pour : • 8277 chiens • 2145 chats • 531 lapins et rongeurs • 268 oiseaux • 130 reptiles • 51 furets La clinique est ouverte 7j/7 et 24h/24 et 365 jours par an. L’accueil est assuré par des étudiants de 2 e et 3 e master. * quartier de la Vallée 2, avenue de Cureghem 3, campus du Sart-Tilman, 4000 Liège. tél. animaux de compagnie 04.366.42.00, site www.cvu.uliege.be 12 mai-août 2019 / 273 ULiège www.uliege.be/LQJ mai-août 2019 / 273 ULiège www.uliege.be/LQJ 13 à la une à la une

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