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UN FUTUR QUI SE PRÉPARE Un autre questionnement, complexe, semble indis- pensable : quels sont les enjeux auxquels sera confrontée la discipline dans le futur ? En guise de réponse, les mêmes mots sur toutes les lèvres : les nouvelles technologies . « Tout comme on nous prédit la disparition du métier de radiologue en médecine vu les performances de l’intelligence artificielle, la disparition du traducteur est parfois mentionnée par certains ; d’autres, et ils sont plus nombreux, estiment que rien ne remplacera l’intel- ligence humaine pour comprendre et traduire un texte ou une parole dans ses multiples facettes. Cependant, les outils d’aide à la traduction se per- fectionnent et se complexifient. Il est donc devenu indispensable de former les futurs traducteurs à la maîtrise de ces outils technologiques », constate Valérie Bada. Devenus incontournables, que l’on y soit réfractaire au non, ils se sont petit à petit imposés dans le paysage de la traduction. Pour Julien Perrez, il faut prendre le train en marche, surtout pas le laisser passer. Mais comment ne pas “louper le coche” ? « D’une part, énumère-t-il , en dispensant des cours de ce qu’on appelle la “tra- duction assistée par ordinateur” qui ont pour sujet principal la présentation de nouvelles technologies (logiciel de traduction automatique). Et, d’autre part, de manière plus indirecte, en utilisant ces outils dans les séminaires de traduction spéciali- sée. » « Le métier de traducteur évolue, le traducteur s’adapte, l’enseignement aussi », résume Valérie Bada. * www.cirti.uliege.be Informations sur les études * bachelier en traduction-interprétation : www.programmes. uliege.be/info/bachelier/traduction-interpretation T hierry Fontenelle, chef du département traduc- tion du Centre de traduction des organes de l’Union européenne à Luxembourg, a pris part, en mai dernier, au colloque mis sur pied par le Centre interdisciplinaire de recherches en traduction et inter- prétation (Cirti) et intitulé “Le traducteur à l’ère des nouvelles technologies”. Diplômé en philologie germanique de l’université de Liège (1986) et titulaire d’une maîtrise en traduction (1987), Thierry Fontenelle a aussi obtenu un doctorat en linguistique anglaise en 1995. Assistant pendant une dizaine d’années dans le service des Prs Jacques Noël, André Moulin et Archibal Michiels, il rejoint ensuite la Commission européenne comme linguiste informaticien (1996-1999), puis intègre une agence de l’OTAN au Luxembourg comme traducteur- interprète (1999-2001). Microsoft lui fait alors les yeux doux et il part s’installer près de Seattle aux États- Unis. Développeur puis Senior Program Manager, il participe au déploiement des logiciels de correction linguistique que chacun connaît aujourd’hui dans la suite Microsoft Office. En 2009, il rentre en Europe, au Centre de traduction des organes de l’UE situé au Grand-Duché de Luxembourg. Thierry Fontenelle est l’auteur de plusieurs dizaines d’articles dans les domaines du traitement automatique du langage, de la lexicographie, de la terminologie et de la traduction. Il a notamment contribué à deux dictionnaires publiés par Cambridge University Press et édité un recueil intitulé Practical Lexicography: A Reader, publié par Oxford University Press en 2008. En décembre 2016, l’UCL lui a décerné le titre de docteur honoris causa pour ses travaux dans le domaine de la linguistique, de la lexicographie et de la traduction. Sa communication au colloque du 6 mai dernier a probablement rassuré les très nombreux profession- nels dans la salle. Selon lui, en effet, « le traducteur ne sera pas remplacé par la technologie. Il sera rem- placé par un traducteur qui utilise la technologie ». Nuance. Fort de son expérience dans une agence qui compte une centaine de traducteurs et travaille avec un mil- lier de freelances à travers toute l’Europe, Thierry Fontenelle confirme que les outils d’aide à la traduc- tion font gagner du temps. Un critère important pour celui qui dirige un service linguistique au profit des 66 organes et institutions de l’Union européenne. « Chaque année, nous fournissons près de 800 000 pages traduites vers les 24 langues officielles de l’Union et parfois dans les langues non officielles comme l’arabe, le chinois, le russe, l’hébreu, etc. Les matières couvertes sont très diverses : santé publique, environnement, droit, finances, etc. Toutes les technologies qui peuvent nous venir en aide sont dès lors les bienvenues, mais la qualité des traduc- tions étant primordiale, nous sommes très exigeants et vigilants quant à l’utilisation de ces outils. » Si le Centre de traduction utilise déjà des bases de données terminologiques comme IATE, des sys- tèmes de “mémoire de traduction” tels que SDL Studio, et s’il conçoit à son propre usage des bases de données spécifiques pour ses clients, il se montre aujourd’hui intéressé par la traduction automatique neuronale basée sur de très grands corpus, capable d’appréhender des segments de phrases et d’identi- fier des relations sémantiques. « Une révolution dans notre domaine, mais qui exige aussi des relectures sérieuses et attentives de la part de nos traducteurs afin d’éviter les contre-sens et autres omissions encore fréquentes. » La traduction associée à la post-édition a de beaux jours devant elle. Le traducteur et les nouvelles technologies article patricia janssens 32 septembre-décembre 2019 / 274 ULiège www.uliege.be/LQJ 33 omni sciences omni sciences

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