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Au printemps dernier, le service “Qualité de vie des étudiants” proposait des ateliers pour apprendre à gérer les données informatiques, découvrir comment les effacer, protéger les comptes, crypter les messages. DOSSIER FABRICE TERLONGE - DESSIN JONATHAN GAJAN FOLIVELI L’ogre numérique I nsidieusement, le numérique a percolé dans nos vies au point qu’à l’aune de ce siècle on en vient à traquer, sans véritable surprise, les failles de sécurité dans les robots cuiseurs. Au seuil de l’été, une grande marque de distribution discount avait en effet mis en vente des appareils culinaires automatiques équipés d’un micro – pour une éventuelle commande vocale – et fonctionnant sous Android 6, le même système d’exploitation que cer- tains smartphones. Des bidouilleurs avaient alors réussi à se téléphoner par robot ménager interposé, grâce à une application VoIP. Cette anecdote illustre l’étendue des questions de sécurité qui se posent dans notre quoti- dien, envahi par la quinzaine de géants du web à l’échelle mondiale (Google, Facebook, Apple, Amazon, Microsoft, Uber, Alibaba, Netflix, Twitter, etc.) et dont la tendance monopolistique est servie par la cascade de services – souvent vendus comme étant gratuits – d’applications diverses ou d’appareils connectés. « À la Fac, tout le monde masque sa caméra, souvent avec un bout d’autocollant opaque, par crainte d’un virus et de se faire pirater ou observer par des individus malveillants. D’autant que certains réseaux wi-fi ne sont pas sécurisés et rendent possibles des piratages », note Angelo, un étudiant brésilien attablé à la cafétéria du campus universitaire de la place du 20-Août. À quelques mètres de lui, un représentant syndical, plus âgé, livre ses propres craintes : « J’ai l’impression que des intru- sions sont facilement possibles, sous différentes formes, dans les boîtes e-mail. Je redoute également la possi- bilité qu’ont certains employeurs de tracer les flux de téléchargement des personnes qui travaillent dans une même entité informatique. » Mais dans l’ambiance estudiantine, ce n’est pas la crainte qui domine. Comme le résume Garance, « les pirates visent des gens qui ont de l’argent. Ce qui n’est pas notre cas. Mais j’évite tout de même d’autoriser les applications à accéder à la caméra ou aux contacts de mon smartphone. » Bref, pas de quoi envisager de faire l’impasse sur des outils devenus indispensables et dont il apparaît illusoire de pouvoir se priver. « J’ai essayé, en vain, soupire Margherita, étudiante en droit. On est habi- tués à contacter tout le monde instantanément et mes amis s’inquiètent quand je ne réponds pas. Alors, j’essaie quand même de ne pas abuser des réseaux sociaux et de ne pas autoriser ma géolocalisation. Pour le reste, c’est mon smartphone et ça ne dépend pas de moi. Je ne peux rien faire. » LA MENACE, C’EST VOUS Cette assertion de Margherita, pour être résignée, est vraie dans la mesure où tous les experts en sécurité numérique s’accordent à reconnaître qu’il est impossible d’utiliser un ordinateur, une tablette ou un smartphone sans laisser aucune trace sur la Toile et en fermant totalement la porte à des virus ou des programmes malveillants. Le web est basé sur l’échange de données et d’informations, avec ou sans notre consentement, et le numérique, en perpétuel renouvellement, offre une foule de possibilités qui s’ac- compagnent de menaces, tant pour la protection de la vie privée que pour l’intégrité des appareils informatisés. Mais, en réalité, la pire menace pour votre machine mobile ou votre PC, c’est… vous-même ! Les fautes classiques ? Utiliser le même mot de passe (ultra simple) pour tous ses comptes d’utilisateurs, livrer trop facilement les infor- mations de sa carte de crédit, installer des applications douteuses auxquelles l’on autorise tous les accès à son smartphone, etc. Dans le vaste bâtiment de la police fédérale, rue Royale à Bruxelles, le commissaire Olivier Bogaert nous guide dans un long dédale de couloirs froids, après avoir passé un sas de sécurité métaphorique. L’homme est nimbé d’une longue expérience liée tant à son travail depuis 1997 dans les équipes de la police judiciaire fédérale spécialisées en nouvelles technologies (Computer Crime Unit) qu’à celui de chroniqueur dans diverses émissions de la RTBF, notamment Surfons Tranquille sur Classic 21. Selon lui, les failles sont principalement humaines. À avoir manifeste- 64 septembre-décembre 2019 / 274 ULiège www.uliege.be/LQJ 65 univers cité univers cité

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