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Juno révèle l’exquise finesse des aurores de Jupiter


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Deux équipes internationales de recherche, dont font partie Denis Grodent, Jean-Claude Gérard et Bertrand Bonfond, chercheurs au Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (Unité de Recherche STAR), ont analysé et comparé des images enregistrées par les instruments JIRAM et UVS, embarqués à bord de la sonde JUNO. Les résultats montrent des détails sans précédent à propos de l’interaction entre la planète et ses lunes ainsi que des différences majeures entre les aurores polaires infrarouges et ultraviolettes. Ces résultats font l’objet de deux publications scientifiques dans les revues Science et Icarus (1–2).

E

n orbite autour de Jupiter depuis juillet 2016, la mission Juno, de la NASA, nous offre une perspective inédite de la planète.Les pôles de Jupiter, comme ceux de la Terre, sont couronnés d'aurores polaires. A première vue, les aurores de Jupiter possèdent une morphologie similaire à celle des aurores terrestres. La majeure partie des émissions prennent en effet la forme d’anneaux enserrant chacun des pôles magnétiques. Sur Terre comme sur Jupiter, la brillance des aurores est due à l’impact de particules chargées et très énergétiques avec la haute atmosphère.

Une des particularités des aurores de Jupiter est la présence de traces lumineuses directement liées à la position des quatre lunes principales : Io, Europe, Ganymède et Callisto. Ces lunes forment en effet un obstacle qui perturbe le flot de particules piégées dans le champ magnétique de Jupiter. Cette perturbation se propage le long du champ magnétique pour terminer sa course dans l’atmosphère de la planète sous forme de traces lumineuses. Un jeux complexe de réflexions et de projections d’électrons d’un hémisphère à l’autre démultiplie parfois ces empreintes.

Io et Ganymède tracent des tourbillons dans l’aurore de Jupiter

L’instrument JIRAM (Jovian InfraRed Auroral Mapper) est un imageur et spectromètre de l’Agence Spatiale Italienne dont l’objet principal est de sonder les couches supérieures de l’atmosphère de Jupiter. Il dispose d’une extraordinaire résolution, rendant possibles des vues rapprochés et a permis de découvrir des particularités inattendues dans ces empreintes. JIRAM a en effet pu observer que l’empreinte d’Io était formée d’une série de petites taches tourbillonnantes distantes d’environ 100 km. « Aucun modèle ne prévoyait ce genre de structure, mais ces formes semblent indiquer que la turbulence joue un grand rôle dans l’interaction entre les particules piégées dans le champ magnétique de Jupiter et ses lunes», explique Bertrand Bonfond, collaborateur scientifique frs-FNRS au sein du Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (LPAP).

Mura footprints JIRAM

llustration de l’aurore de Jupiter et de l’empreinte d’Io sur la planète telle que vue par le Télescope Spatial Hubble. L’insert à droite montre les détails révélés par la caméra italienne JIRAM à bord de la sonde Juno (NASA). Crédits : A. Mura-JIRAM/IAPS/NASA

Après quelques milliers de kilomètres, cette série de tache laisse place à deux arcs parallèles qui persistent encore plusieurs heures après le passage de la lune Io. « Là encore, c’est une surprise, s’émerveille Denis Grodent, chercheur au LPAP et Directeur du STAR Institute. Nous n’avons actuellement aucune idée de ce qui cause ce dédoublement de la trainée aurorale d’Io. »

Les taches de l’empreinte de Ganymède réservent aussi des surprises. Une fois vues de près, celles qui semblaient être de simples taches se révèlent être des paires de taches. Ici, l’explication paraît plus évidente et ces petites taches semblent être les images du début et de la fin de la mini-magnétosphère de Ganymède. En effet, Ganymède est le seul satellite du système solaire ayant son propre champ magnétique et possède donc sa propre magnétosphère. Les empreinte d’Europe et de Callisto sont beaucoup moins brillantes et donc plus difficiles à observer. Elles feront l’objet d’études ultérieures, quand plus de données seront disponibles.

Comparaisons surprenantes entre les aurores ultraviolettes et infrarouges

Une seconde étude, menée par la même équipe de chercheurs, a observé simultanément les aurores de Jupiter dans l’ultraviolet (imageur UVS) et dans l’infrarouge (JIRAM). Les images prises par l’instrument JIRAM possèdent une résolution spatiale environ 10 fois supérieures à celle dans l’ultraviolet. Les premières images des aurores capturées dans les deux domaines simultanément, publiées dans la revue Icarus (2), ont permis d’observer la structure de ces aurores. Les aurores de Jupiter présentent des structures filamenteuses longues de plusieurs dizaines de milliers de kilomètre pour seulement 100 km de large. Si au premier coup d’œil, la morphologie paraît semblable dans les deux longueurs d’ondes, elle présente toutefois des différences dans la distribution d’intensité entre les différentes composantes. Les chercheurs du LPAP attribuent celles-ci au mécanisme de production des deux émissions (l’une directe, l’autre résultant d’une réaction chimique) et au rôle joué par le méthane. En effet, le méthane - constituant minoritaire de l’atmosphère jovienne - intervient notamment dans le contrôle de la quantité de molécules chargées électriquement qui sont à l’origine de l’aurore infrarouge.

JUNO IR-UVS

Images de l’aurore polaire nord de Jupiter observée simultanément par Juno dans l’ultraviolet (à gauche) et dans l’infrarouge (à droite). La vue infrarouge offre une meilleure résolution de la structure des arcs auroraux. En dépit de la similitude des deux images, on observe des différences dans la distribution d’intensité entre les zones d’émission. Celles-ci permettent notamment d’estimer la profondeur de l’émission dans l’atmosphère.

Les images en ultraviolet permettent d’estimer l’échauffement de l’atmosphère lié aux aurores, et les images issues de JIRAM son refroidissement par émission infrarouge. « Or, les deux termes ne sont quasiment jamais égaux, remarque Jean-Claude Gérard, chercheur au LPAP et membre de l’équipe JIRAM. D’autres processus, encore à découvrir, interviennent donc dans le bilan thermique. »

Les pôles de Jupiter nous réservent donc encore bien des surprises.

Références scientifiques

(1) A. Mura, A. Adriani, J. E. P. Connerney, S. Bolton, F. Altieri, F. Bagenal, B. Bonfond, B.M. Dinelli, J.-C. Gérard, T. Greathouse, D. Grodent, S. Levin, B. Mauk, M.L. Moriconi, J. Saur, J. H. Waite, Jr., M. Amoroso, A. Cicchetti, F. Fabiano, G. Filacchione, D. Grassi, A. Migliorini, R. Noschese, A. Olivieri, G. Piccioni, C. Plainaki, G. Sindoni, R. Sordini, F. Tosi, D. Turrini (2018). Juno observations of spot structures and a split tail in Io-induced aurorae on Jupiter, Science

(2) Gérard, J. C., Mura, A., Bonfond, B., Gladstone, G. R., Adriani, A., Hue, V., Dinelli, B.M. , Greathouse, T.K., Grodent, D., Altieri, F., Moriconi, M. L.,  (2018). Concurrent ultraviolet and infrared observations of the north Jovian aurora during Juno's first perijoveIcarus312, 145-156.

Cet article a été sélectionné pour illustrer la couverture de la revue Icarus

Contacts

Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire – LPAP I STAR Research Institute
Dr Bertrand BONFOND - b.bonfond@uliège.ac.be - +32 4 366-9772
Pr Jean-Claude GÉRARD- jc.gerard@uliège.ac.be - +32 4 366-9775
Pr Denis GRODENT - d.grodent@uliège.ac.be - +32 4 366-9773

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