Une publication dans Advanced Science

Interface inédite entre deux isolants


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Sébastien Lemal et Philippe Ghosez du laboratoire de Physique Théorique des Matériaux (Unité de Recherche CESAM), en collaboration avec des chercheurs de l'Université de Genève sont parvenus à rationaliser l'apparition d’électrons à l'interface entre deux isolants, sur base de ses propriétés supraconductrices. Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans la revue Advanced Science(1).

L'

innovation technologique repose principalement sur l'exploitation des propriétés physiques de certains matériaux, que ce soit dans le domaine de la construction, de l'aéronautique, de l'énergie ou de l'informatique. La recherche en science des matériaux s'avère donc indispensable pour relever les nouveaux défis technologiques. Souvent, les propriétés de matériaux individuels ne suffisent pas à créer un dispositif fonctionnel. En effet, l'électronique moderne se base sur les propriétés émergant aux interfaces créées par l'association de plusieurs matériaux, tels que dans les diodes, les transistors, etc.

La plupart des matériaux sont décrits soit comme des conducteurs, soit comme des isolants, en fonction de leur capacité à conduire ou non l'électricité. Les oxydes de structure “pérovskite” SrTiO3 et LaAlO3 , par exmple, sont tous les deux isolants. Cependant, ils présentent une particularité: lorsqu'on réalise une jonction entre ces deux matériaux, leur interface devient conductrice ! En s'y intéressant de plus près, on constate qu'une fine couche d'électrons se forme au voisinnage de cette interface. D'où viennent ces électrons ? Comment se répartissent-ils près de l'interface ? Sébastien Lemal et  Philippe Ghosez du service de Physique Théorique des Matériaux (PhyTheMa -Unité de Recherche CESAM), en collaboration avec des expérimentateurs du groupe du Professeur Jean-Marc Triscone de l’Université de Genève, sont parvenus à rationaliser l'apparition des électrons à cette interface sur base de leurs propriétés supraconductrices. Leur résultats sont discutés dans un article récemment publié dans la revue Advanced Science(1).

Une des découvertes majeures de ces dernières années dans le doamine des oxydes fonctionnels est la nature conductrice de l'interface entre les oxydes isolants SrTiO3 et LaAlO3.. Leur jonction se caractérise par l'existence d'un “gaz” d'électrons confinés près de l'interface qui la rend métallique, sans avoir à recourir au dopage externe tel que réalisé dans les dispositifs à semiconducteurs habituels. L’origine de ce gaz, qui possède de nombreuses propriétés dont la supraconductivité et une très grande mobilité dans le plan de la jonction, reste sujette à débat dans la communauté scientifique. De plus, ce type d'interface peut-être réalisé à l'échelle de quelques couches atomiques seulement !

Gaz electron isoalnts

Apparition d'un gaz d'électrons entre deux isolants ! En réalisant la jonction entre les isolants LaAlO3 (en rouge) et SrTiO3 (en bleu), il apparait un gaz d'électrons confinés près de l'interface (en jaune). La densité de ce gaz dépend de la composition du LaAlO3: en le remplaçant par un alliage mélangeant 50% de LaAlO3 et 50% de SrTiO3, la densité de surface du gaz est divisée par deux. De plus, à basse température, cette différence de densité modifie l'expansion du gaz, qui s'éloigne de l'interface quand la densité diminue. Il en résulte une différence nette de l'expansion de la phase supracondutrice. [Figure: Sébastien Lemal, copyright: PhyTheMa@ULiège]

Les recherches menées par les chercheurs de l’ULiège et de Genève, on permis de confirmer le mécanisme controversé à l'origine de ce « gaz» électronique. « Puisque le LaAlO3 possède une polarité électrique différente de celle du SrTiO3, le “gaz” apparait à l'interface pour éviter la présence d'un champ électrique dans la couche du LaAlO3, défavorable énergétiquement, explique Sébastien Lemal, doctorant au sein du laboratoire de Physique Théoriques des Matériaux (PhyTheMa). Ce mécanisme impose une densité électronique superficielle de 3.3 1014 cm-2 à l'interface. De plus, en remplaçant la couche de LaAlO3 par une couche d'alliage polaire constitué à 50% de LaAlO3 et 50% de  SrTiO3, cette densité passe à 1.7 1014 cm-2. » Les modèles numériques développés à Liège montrent que seules ces densités peuvent expliquer les différences de confinement de ce “gaz” à basse température, et valident donc le mécanisme polaire. « Elles sont déterminées à partir des mesures de l'expansion transversale de la phase supracondutrice mesurée à partir de l'interface, qui évolue de ~10 nm à ~30 nm, soit d'un facteur 3, se réjouit Philippe Ghosez, directeur du laboratoire. »

Ces résultats fournissent donc un protocole expérimental pour évaluer indirectement la densité électronique du gaz à partir de mesures de supraconductivité, et confirme la possibilité de contrôler le confinement de ce gaz sur base de la composition de l'alliage polaire. De telles découvertes viennent compléter un tableau de propriétés déjà bien fourni pour cette interface hors du commun, et laisse présager le meilleur vis-à-vis de l'exploitation de ces matériaux pour des applications technologiques dans le domaine de l’électronique.

Référence scientifique

(1) Probing Quantum Confinement and Electronic Structure at Polar Oxide Interfaces , D. Li, S. Lemal, S. Gariglio, P. Wu, A. Fête, M. Boselli, Ph. Ghosez and J.-M. Triscone, Adv. Sci. 1800242 (2018). https://doi.org/10.1002/advs.201800242

Contacts

Sébastien LEMAL | UR CESAM | Q-MAT I slemal@uliege.be | +32(0)4 366 36 12

Pr. Philippe GHOSEZ | UR CESAM | PhyTheMa I Philippe.Ghosez@uliege.be | +32(0)4 366 36 11

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