Une publication dans BMC Biology

L’évolution des rayures du poisson clown


Dans Recherche

Une étude, publiée dans la revue BMC Biology1, et à laquelle a participé Bruno Frédérich, chercheur au Laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Evolutive (Unité de recherche FOCUS) s’est penchée sur l’évolution et le développement des rayures blanches du poisson-clown. L’étude permet de décrire le moment et la façon dont apparaissent ces rayures, mais dresse également des pistes sur la compréhension de leur rôle dans les interactions entre espèces.

L

es récifs coralliens sont connus pour abriter une grande diversité d’organismes et de poissons aux couleurs vives et variées. Parmi ces poissons, le groupe des poissons clowns, qui compte bien plus d’espèces que l’on ne le pense.

« La famille des Pomacentridae compte une trentaine d’espèces différentes de poissons-clowns qui se distinguent principalement par le nombre de bandes verticales blanches visibles sur leur fond jaune, rouge, brun voire même noir, explique Bruno Frédérich chercheur au Laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Evolutive (Unité de recherche FOCUS). »

Si l’on sait que ces variations de pigmentations peuvent jouer un rôle dans la reconnaissance des espèces entre elles, leur servir de camouflage ou d’avertissement, la mise en place de ces motifs et leur évolution avait été jusqu’ici peu étudiée. Entouré de chercheurs de l’Observatoire d’Océanologique de Banyuls-sur-Mer et du Centre de Recherche insulaire et Observatoire de l’Environnement de Moorea (CRIOBE), Bruno Frédérich s’est donc intéressé à ces processus. Les résultats de leurs recherches ont fait l’objet d’un article publié dans la revue BMC Biology1 le 5 septembre 2018.

3, 2, 1 … zéro

Pour comprendre les mécanismes de mise en place de cette diversité de lignes blanches verticales, les chercheurs ont recensé et classé toutes les espèces – d’individus d’âge adulte - en fonction du nombre et de la disposition de ces rayures blanches sur leur corps. « La combinaison de ces données avec l’information phylogénétique et des modèles d’évolution de traits ont révélé que l'ancêtre des poissons-clowns possédait probablement trois bandes blanches, reprend Bruno Frédérich, alors que l’on observe aujourd’hui des espèces présentant de trois à zéro rayures. ». Durant leur histoire évolutive, certaines espèces ont perdu des bandes blanches et cette perte n’est pas aléatoire. « La perte des bandes blanches se déroule toujours de manière progressive et séquentielle depuis la queue vers la tête ». Les espèces avec deux bandes ont toujours perdu celle sur la queue alors que chez les espèces à une bande verticale, celle-ci est toujours sur la tête.

En étudiant le développement de deux espèces (Amphiprion frenatus et Amphiprion ocellaris) qui présentent des patrons de rayures différents reà l’âge adulte, les chercheurs ont découvert que les poissons se paraient de leurs rayures, une à une, en commençant par la tête et finir vers la queue. Chez l’espèce Amphiprion frenatus, qui ne possède qu’une seule bande (sur la tête) à l’âge adulte, les scientifiques ont constaté le phénomène inverse durant le seconde partie de sa croissance : les individus perdent leurs rayures en commençant par celle de la queue et puis celle de l’abdomen.

« Cette séquence de disparition durant le développement est totalement identique à celle observée au cours de l’évolution », constate le chercheur. Ces résultats suggèrent donc que l’évolution des bandes blanches chez les poissons-clowns est régie par des processus développementaux.

Le rôle des bandes blanches

« Les facteurs de sélection de ces différents patrons de lignes blanches verticales peuvent être multiples », reprend Bruno Frédérich. « Cependant, nos résultats suggèrent que les nombres de rayures seraient utilisés comme signal de reconnaissance entre individus, atténuant l’agressivité et optimisant la cohabitation de différentes espèces. »

Forts de cette découverte, les chercheurs souhaitent désormais décrypter le mécanisme qui amène à l’apparition et à la disparition des rayures du poisson-clown. « Identifier les mécanismes tissulaires, cellulaires et moléculaires ainsi que les gènes qui contrôlent l’apparition et la disparition des bandes blanches pourrait nous permettre de mieux comprendre l’évolution des espèces de poisson-clown. Cela nous permettra également d’en savoir un peu plus sur les mécanismes qui amènent une diversification des patrons de pigmentations et de leur sélection » conclu Bruno Frédérich.

Figure clowns

Figure : Quatre espèces de poissons-clowns (Amphiprion spp.) illustrant les motifs de rayures blanches (pas de bande blanche verticale, une, deux ou trois bandes blanches verticales). Images modifiées sous licence Creative Commons de J. E. Randall

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Bruno Frederich

 

Référence bibliographique :

(1) P. Salis, N. Roux, O. Soulat, D. Lecchini, V. Laudet and B. Frédérich (2018) Ontogenetic and phylogenetic simplification during white stripe evolution in clownfishes. BMC Biology 16 : 90.

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