Présentation du Recteur élu : Discours du Pr Pierre Wolper


"Ce discours de rentrée, je l’ai divisé en trois parties. Je m’adresserai d’abord à la communauté universitaire, ensuite à notre entourage immédiat, ville, région et pays, et enfin au monde."

028 Prés Recteur © 2018 michel houet - Uliege

À

 la communauté universitaire, j’adresse d’abord mes remerciements pour la confiance qui m’est faite. Elle n’a certes pas été électoralement unanime, mais ce qui comptera est celle que je pourrai et veux construire, jour après jour, au cours des quatre prochaines années. Mes remerciements vont aussi, à ceux qui m’ont accompagné jusqu’ici et à tous ceux qui m’aideront dans la lourde tâche de conduire notre institution.

Parlant de l’Université, la première question que nous devons nous poser est : quelle université voulons-nous ?

Heureusement, même s’il y a des nuances dans les avis au sein de la communauté universitaire, l’accord est assez unanime sur quelques caractéristiques essentielles : le renforcement mutuel entre recherche et enseignement, un enseignement qui transmet plus que des compétences pointues, une recherche de qualité intégrée dans les réseaux mondiaux, une forte interaction avec notre environnement proche, que ce soit dans les domaines scientifiques, technologiques, industriels, culturels ou du débat des idées.

En fait, la question n’est pas celle de l’objectif, mais du chemin pour y arriver.

Pour le baliser, il faut d’abord s’imprégner du fait qu’une grande université se construit non seulement avec des moyens, mais surtout avec des femmes et des hommes passionnés par la recherche et l’enseignement à qui l’on laisse une grande liberté pour développer leurs activités. La recette est donc relativement simple : il faut avant tout veiller à la qualité de nos recrutements et offrir un environnement qui permette à chacun de développer au mieux ses activités.

Il n’y a rien de mystérieux à un recrutement de qualité : une procédure ouverte, rigoureuse et transparente, ce qui est déjà la règle générale. Cela implique aussi d’annoncer nos postes suffisamment tôt, d’en faire une publicité large, cela contribue aussi à nous faire connaître, et tenir compte du calendrier international des recrutements. Ne sous-estimons pas notre attractivité, d’autant plus que l’Amérique de Trump et le Brexit sont pour nous de tragiques atouts.

Offrir un environnement de qualité est moins immédiat et dépend assez directement de comment notre université fonctionne et utilise ses moyens. Ici, je dirais sans ambiguïté que l’on peut mieux faire. Mon but n’est certainement pas de réformer une fois de plus nos structures, car chaque réforme crée incertitudes et perturbations. Nous commencerons par faire mieux fonctionner ce qui existe. Voici quelques exemples :

  • Motiver clairement nos décisions en s’assurant que chacune va dans le sens de nos objectifs. Tout compromis de facilité nous fait perdre du terrain.
  • Evaluer et tenir compte de l’impact de nos décisions sur les individus.Si une décision n’est pas construite sur la concertation en tenant compte des personnes qu’elle affecte et des changements qu’elle implique, elle sera mal perçue, vécue et appliquée.
  • Examiner les questions globalement. Nos ouvertures de charges arrivent au compte-gouttes à notre Conseil d’Administration, sans qu’une vue globale en soit présentée. Chaque faculté a construit son plan, mais l’intégration de ceux-ci n’est pas explicitement visible.
  • Raccourcir les circuits de décisions. Ce n’est pas le nombre d’étapes qui fait la qualité d’une décision, mais bien le soin qui est pris à chacune.
  • Simplifier et alléger nos procédures. Trop souvent, on applique des règles et procédures dont on ne comprend plus l’intérêt ou la motivation. C’est alors le bon moment pour les remettre en cause.

Des principes de bonne pratique certes, mais où est la stratégie ? D’abord un fonctionnement harmonieux qui permet à chacun de travailler dans de bonnes conditions est déjà un objectif stratégique. Pour une université, comme pour une entreprise, une région ou un pays, une gestion cohérente et efficace est une condition indispensable du succès. Ensuite, une stratégie consiste à se focaliser sur un nombre limité d’objectifs particuliers qui contribue à notre objectif général. En voici quelques prioritaires :

  • La mobilité vers nos campus, en particulier le Sart-Tilman, est clairement un problème. Un objectif est que nos étudiants qui louent un kot, pour se rapprocher du campus, puissent arriver dans leur salle de cours en 15 minutes, grand maximum 30. Notre attractivité tant nationale qu’internationale en dépend.
  • Notre enseignement doit continuer à s’ouvrir aux nouvelles méthodes permises par le numérique.Tout aussi important, nos programmes d’études doivent, sans surcharge, permettre une ouverture vers des matières autres que la spécialité choisie. C’est notamment ainsi que nous formerons à aborder les problèmes complexes auxquels notre monde est confronté.
  • Notre gestion des moyens de recherche doit avoir pour objectif de placer le chercheur dans de meilleures conditions pour progresser. Comme l’a très bien formulé mon Vice-Recteur à la recherche, Fabrice BUREAU : « un système adapté aux chercheurs, plutôt que des chercheurs adaptés au système. »
  • Notre rôle par rapport au monde et à son développement durable doit devenir plus central. Nous avons là une triple mission : par notre recherche, comprendre, analyser, anticiper et communiquer ; par notre enseignement, former et donner les outils pour agir ; par notre comportement et notre gestion, être un exemple et une référence.
  • Nos relations avec la cité, les entreprises, nos Alumni ne doivent plus être négligées. Le bénéfice en sera important et mutuel.

Si je me tourne maintenant vers notre région. Mon premier message est de rappeler ce à quoi nous contribuons.

Nos diplômés sont des personnes clés dans de nombreuses entreprises et institutions.

Présents à travers le monde, ils nourrissent notre réseau économique. Tout aussi crucial, Ils sont fondateurs d’entreprises et ont ainsi beaucoup apporté à la reconversion et au développement de notre Région. De même, notre recherche aide les entreprises existantes à innover et à se développer. Et, n’oublions pas que l’Université et son institution sœur, le CHU, sont de très gros employeurs locaux.

Mon deuxième message concerne ce que nous attendons de la Région et des autres niveaux de pouvoir dont nous dépendons. Au risque de vous surprendre, je ne parlerai pas de moyens financiers. Il y aura pour cela d’autres occasions, mais aujourd’hui je veux aborder un autre thème :

Un de nos handicaps majeurs est d’être submergés de contraintes légales et réglementaires constamment changeantes.

La façon dont notre enseignement doit être organisé et géré est minutieusement décrite dans une série de décrets régulièrement revus. Les objectifs sont globalement défendables, mais le tout est tellement complexe que rares sont ceux qui s’y retrouvent. L’effort que cela demande à notre personnel est lourd, au point qu’une aide spécifique nous est accordée pour nous soutenir dans la gestion des règles qui nous sont imposées.

Une autre conséquence est que nos étudiants reçoivent des messages brouillés sur leur situation dans le parcours universitaire, au point que certains se retrouvent sans s’y attendre dans la délicate situation d’être « non-finançables », ce qui compromet sévèrement leur possibilité de poursuivre leur formation dans l’enseignement supérieur.

Nous recevons des financements dédicacés dont le but est de régler des problèmes particuliers, par exemple les difficultés de début de parcours ou la coopération entre universités et haute-école. Des intentions louables, mais un chemin vers un enfer de complexité. Et, je n’aborderai pas aujourd’hui le décret en préparation sur la formation initiale des enseignants.

Que la recherche contribue au développement régional est largement reconnu. La tentation est alors de vouloir accélérer et amplifier le processus en prescrivant de plus en plus précisément qu’un financement de recherche doit avoir pour effet un impact économique mesurable. La conséquence est soit que le caractère innovant des projets est réduit par prudence, soit que l’on tombe dans une présentation imprudemment optimiste. Dans les deux cas, on reste en deçà de notre vrai potentiel. La collaboration avec les entreprises est très positive, a toute sa place et est mutuellement bénéfique, mais n’en sur-prescrivons pas les modalités.

Le FNRS a fort heureusement comme slogan « La liberté de chercher » et en a montré toute la valeur depuis 90 ans. Préservons ce joyaux de la prolifération des règles et contraintes.

Au début de mon intervention, j’ai insisté sur l’importance de laisser nos enseignants et chercheurs libres de développer leurs activités dans de bonnes conditions. La même règle d’or s’applique aux interactions entre un pouvoir et ses universités : soutien et contraintes légères sont une recette quasi miraculeuse de succès.

Mon message au monde est de clamer notre présence : nous sommes là, actifs, avec des personnes de grande qualité.

Mais, pour que le message passe et se renforce, il faut qu’il soit porté par chacun d’entre nous. Cela nous ramène à mes premières considérations plus internes. Si nos chercheurs sentent que notre université fonctionne bien, ils en vanteront les mérites avec convictions lorsqu’ils voyagent. Nous entrons alors dans une boucle positive où notre réputation se développe, ce qui améliore notre attractivité, ce qui augmente nos possibilités de recrutement… et l’effet se renforce. Sans en faire un objectif, c’est ainsi que nous monterons dans les fameux rankings.

Pour terminer, je voudrais dire un mot de nos étudiants et chercheurs internationaux. Nous en avons accueillis tout au long de notre histoire, plus à certaines époques qu’à d’autres. Cela a toujours été très positif tant pour l’institution, que ses étudiants et la région.

Une université ouverte qui valorise toutes les diversités et offre à chacun la possibilité d’aller au bout de ses possibilités est pour moi un idéal.

Je l’ai vécu comme étudiant ici et ailleurs et, si je suis devant vous ce soir, c’est pour que nous travaillions ensemble pour l’offrir aux générations qui nous suivent.

 

 

Pierre Wolper

Le 23 octobre 2018

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