communiqué de presse

La balistique réévalue les performances des armes préhistoriques


Dans le cadre d’un projet européen ERC Starting Grant (Evolution of stone tool hafting in the Palaeolithic), les chercheurs du TraceoLab de l’Université de Liège ont publié une étude dans la revue internationale Archaeometry qui révèle les performances des différentes armes de chasse préhistoriques.

En appliquant des méthodes d’analyse balistique, les chercheurs montrent que les premières armes connues, les épieux, développent une puissance exceptionnelle et que, lancés et non utilisés comme une pique, ils s’avèrent aussi performants que les propulseurs ou les arcs, armes pourtant apparues quelques centaines de milliers d’années plus tard. Cette étude résulte d’une collaboration inédite avec le Département Systèmes d'Armes et Balistique de l'École Royale Militaire.
 
Le TraceoLab de l’ULiège est un laboratoire qui analyse les traces et résidus laissés sur les outils préhistoriques lors de leur utilisation (la « tracéologie »). Il a fait de l’étude des techniques de chasse préhistoriques son fer de lance. Pour mieux comprendre comment nos ancêtres chassaient et comment leurs armes ont évolué au fil du temps, il est nécessaire d’étudier de manière rigoureuse le fonctionnement et les performances de l’arsenal à leur disposition.
 
Les plus anciennes armes connues sont apparues il y a 350 000 ans. Il s’agit d’épieux, qui peuvent être lancés ou gardés en main et utilisés alors comme des piques pour transpercer l’animal. Quelques exemples en bois, bien conservés, ont été retrouvés à Schöningen en Allemagne.
 
Le propulseur et l’arc apparaissent quelques centaines de milliers d’années plus tard. Le propulseur, dont les plus anciens exemplaires connus remontent à il y a 18 000 ans, sert à projeter une sagaie, sorte de longue flèche. L’arc est quant à lui un peu plus récent puisque les chercheurs pensent qu’il apparaît il y a environ 11 000 ans. Ces deux armes permettent une chasse à plus longue distance et les préhistoriens les considèrent traditionnellement comme plus efficaces que les « simples » épieux. Leur apparition semble marquer un tournant dans l’évolution humaine.

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La balistique réévalue les performances des armes préhistoriques

En appliquant des méthodes d’analyse balistique, les chercheurs du TraceoLab de l’Université de Liège ont montré que les premières armes connues, les épieux, développaient une puissance exceptionnelle et qu'une fois lancés, ils s’avéraient aussi performants que les propulseurs ou les arcs, armes pourtant apparues quelques centaines de milliers d’années plus tard.

La balistique suggère de revoir nos conceptions

Afin de vérifier ces conceptions, les experts du TraceoLab de l’ULiège (Justin Coppe, chercheur doctorant, Christian Lepers, expérimentateur, et Veerle Rots, chercheuse qualifiée au FNRS et directrice du TraceoLab) ont élaboré avec l’École Royale Millitaire un protocole d’analyse balistique digne de la police scientifique. Une camera slow-motion filmant à 7000 images par seconde et un « pendule balistique » (une cible mobile dont on mesure le mouvement produit par l’impact de l’arme) ont permis d’évaluer de manière précise l’énergie de chacune de ces armes.
 
Les résultats sont surprenants et remettent en question les conceptions actuelles. Les performances des épieux utilisés comme des piques sont tout simplement exceptionnelles. Ces derniers atteignent une énergie de 3300 joules, soit plus de trois fois celle d’une balle de calibre .357 magnum ! Une puissance phénoménale, certes, mais qui implique un risque plus grand pour le chasseur car celui-ci ne peut abattre sa proie qu’en se trouvant à côté d’elle… Les performances des épieux lancés sont, contrairement à ce que l’on pensait, loin d’être inférieures à celles du propulseur et de l’arc : ces trois armes développent une énergie variant entre 30 et 90 joules, assez pour abattre un gibier de taille moyenne comme un cerf ou un sanglier.
 
Ces premiers résultats montrent à quel point ces armes préhistoriques sont encore méconnues. Les études balistiques telles qu’appliquées dans le cadre de cette étude s’avèrent indispensables à la compréhension de l’armement paléolithique et de son évolution.

Contacts presse

Veerle ROTS, chercheuse qualifiée au FNRS, directrice du TraceoLab de l'Université de Liège, bénéficiaire de la bourse européenne ERC Evolution of Stone tool Hafting in the Palaeolithic

Justin COPPE, chercheur doctorant au TraceoLab de l'Université de Liège
justin.coppe@student.uliege.be

Source : J. Coppe, C. Lepers, V. Clarenne, E . Delaunois, M. Pirlot, V. Rots, ‘Ballistic Study Tackles Kinetic Energy Values of Palaeolithic Weaponry’,  dans la revue Archaeometry, https://doi.org/10.1111/arcm.12452
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/arcm.12452

Légende photo : ©PrehistoMuseum et ©TraceoLab ULiège

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