Projet TYHDIA

Vers un nouveau type de vaccin contre le diabète de type 1


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Photo : Shutterstock

Des recherches menées depuis plus de 30 ans à l’ULiège sur le thymus, un organe clé de notre système immunitaire, pourraient aboutir au développement d’un nouveau vaccin contre le diabète de type 1. Une voie explorée par Vincent Geenen dans le cadre du projet THYDIA (THYmus-DIAbète). Une première phase de tests pré-cliniques va débuter fin 2019.

Thymus et immunité

Notre système immunitaire possède deux composantes :

  • L’immunité naturelle, qui n’est pas spécifique et qui intervient, par exemple, en cas de coupure ;
  • L’immunité adaptative, qui entre en jeu lorsque le corps est en contact avec un virus, une bactérie, un champignon, …  Le système immunitaire adaptatif produit alors des lymphocytes spécifiques, programmés pour attaquer ces agents pathogènes.

« Si le système immunitaire adaptatif nous défend contre un nombre incroyable de pathogènes, il possède également une propriété essentielle, appelée “tolérance”, qui le place dans l’impossibilité d’attaquer nos propres cellules », explique Vincent Geenen, directeur de recherches au F.R.S.-FNRS et professeur d'embryologie et d'histoire de la recherche biomédicale à l’ULiège. « Les chercheurs se sont longtemps interrogés sur le fonctionnement du concept de “tolérance”. Dès 1900, Paul Ehrlich postulait déjà l’existence de structures et de mécanismes qui devaient empêcher l’agression du “soi” », poursuit Vincent Geenen.

Et c’est là que le thymus, un organe situé derrière le sternum, intervient... Au début des années 60, Frank Macfarlane Burnet met en évidence le fait que, si le thymus est le socle qui génère la diversité du système immunitaire, il devrait aussi être le lieu où les lymphocytes pouvant agresser le “soi” – les lymphocytes “interdits” sont éliminés. Il postule également qu’un défaut dans ce mécanisme pourrait jouer un rôle fondamental dans le développement des maladies auto-immunes dans lesquelles le système immunitaire attaque des constituants de l’organisme. Des hypothèses qui seront confirmées entre 1988 et 1989 par plusieurs groupes de chercheurs.

Ocytocine, neurotensine et thymus

En 1986, Vincent Geenen et son équipe démontrent que le thymus est aussi le lieu où se déroule la synthèse d’une toute petite hormone, l’ocytocine, qui est produite dans l’hypothalamus et libérée par l’hypophyse. « Nous avons pu montrer que ce sont les cellules épithéliales et non les lymphocytes T qui synthétisent l’ocytocine. Nos recherches ont également mis en évidence la présence de récepteurs à l’ocytocine sur les lymphocytes localisés dans le thymus. Il semble donc y avoir un dialogue entre le signal produit par l’environnement du thymus, les cellules épithéliales et les lymphocytes. Nous étions toutefois confrontés à un problème majeur : l’ocytocine présente dans le thymus n’y est pas secrétée alors que ce peptide est à la base du modèle de la neurosécrétion ».

Suite à ces constats, et au regard du rôle important joué par le thymus dans l’immunité centrale,  Vincent Geenen et son équipe ont pu établir que l’ocytocine présente dans le thymus se comporte comme un antigène du soi. « Elle n’y est pas sécrétée, mais bien présentée aux lymphocytes T pendant leur différentiation. Ces derniers sont donc “éduqués” à la reconnaître comme une composante de l’organisme, qui ne doit pas être attaquée », précise Vincent Geenen. Des recherches qui ont abouti aux mêmes conclusions en ce qui concerne un autre neuropeptide, la neurotensine, présente elle aussi dans le thymus. 

Reprogrammer la tolérance du système immunitaire

Vincent Geenen et son équipe postulent sur cette base l’existence de représentants de chaque grande famille d’hormones dans le thymus. Ils s’intéressent alors au diabète de type 1 et explorent la présence des représentants de la famille de l’insuline dans le thymus : l’insuline elle-même, le facteur de croissance apparenté à l’insuline de type 1 (IGF1) et le facteur de croissance apparenté à l’insuline de type 2 (IGF2). « Nous avons démontré que ces 3 gènes sont bien exprimés dans le thymus de rats, de souris et d’humains. L’IGF2 y est toutefois présent en beaucoup plus grandes quantités. Nos recherches ont également montré que l’IGF2 joue un rôle dans la différenciation des lymphocytes T. Lorsqu’on délite le gène de l’IGF2 dans le thymus, la tolérance du système immunitaire vis-à-vis de l’insuline est de plus fortement diminuée. Par ailleurs, quand on examine le thymus de rats BB (modèles de rats qui présentent la plupart des caractéristiques du diabète de type 1 chez les humains) par rapport à celui de rats normaux, on constate que chez ces derniers, il n’y a pas d’expression de l’IGF2. Sa présentation dans le thymus pourrait donc jouer un rôle essentiel dans la pathogénie du diabète de type 1. »

Les chercheurs se sont ensuite demandé si la tolérance du système immunitaire vis-à-vis des cellules bêta du pancréas pouvait être reprogrammée en utilisant l’IGF2. « L’insuline est immunogène : c’est l’antigène majeur ciblé par le processus auto-immun du diabète de type 1. L’IGF2 est, à l’inverse, fortement tolérogène. Il y a donc une relation entre le niveau d’expression du gène dans le thymus et son activité, soit immunogène soit tolérogène. Plus le gène est exprimé dans le thymus, plus il est tolérogène. C’est sur cette base que nous avons imaginé le développement d’un nouveau type de vaccin, un “self-vaccin inverse”. »

Le principe des vaccins classiques repose sur l’injection d’un antigène qui suscite une réponse immunitaire. Lorsque l’organisme entre en contact avec un pathogène qui porte cet antigène, la réponse immunitaire qui a été mémorisée permet l’élimination de ce pathogène.

Le type de vaccin développé par Vincent Geenen et son équipe repose sur un mécanisme inverse, puisqu’il a pour but de renforcer la tolérance du système immunitaire. Comment ? Soit en éliminant les lymphocytes dirigés contre la famille de l’insuline (les lymphocytes “interdits”), soit en générant des lymphocytes T régulateurs, qui vont inhiber les lymphocytes T “interdits”, qui ont échappé à la sélection clonale.

Partenariat avec Xpress Biologics

En juin 2018, Vincent Geenen dépose un projet dans le cadre du programme WIN2WAL. Baptisé THYDIA (pour THYmus et DIAbète), ce projet a été sélectionné par la Région Wallonne. Il fait également l’objet d’un partenariat avec la société liégeoise Xpress Biologics, spécialisée notamment dans la production de plasmides (molécules d'ADN circulaires naturelles ou modifiées artificiellement à des fins de recherche). « Le projet THYDIA consiste à mettre au point un vaccin basé notamment sur l’IGF2, qui éliminerait les lymphocytes “interdits” et générerait des lymphocytes T régulateurs spécifiques. »

Les injections de ce vaccin à ADN commenceront fin 2019 sur des souris NOD (non obese diabetic), un des deux modèles animaux du diabète de type 1. Il faudra ensuite attendre 100 à 120 jours pour constater son efficacité dans la prévention ou l’inhibition du diabète auto-immun de ces souris. « La voie que nous explorons n’aboutira peut-être pas, mais je suis convaincu que ce nouveau type de vaccination tolérogène trouvera un jour son avènement », souligne Vincent Geenen.

Pour en savoir +

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