COVID-19 et confinement : opinion

Coronavirus : haro sur l’Europe ?


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À l’heure du déconfinement, retour sur les réponses que la Commission européenne a élaborées pour protéger les citoyens de la pandémie.

Interview de Quentin Michel, professeur au département de Science politique, en Politique européenne.

Comment analysez-vous la situation actuelle ?

Notre génération est la première qui, en Europe, a vécu dans un large espace sans frontières. Or la pandémie, et sa conséquence, le confinement, nous privent d’une de nos libertés fondamentales : celle de circuler sans entraves. Ce qui a une grande influence sur les entreprises ainsi que sur les individus : comment font les couples transfrontaliers ? Manifestement notre système mondialisé a atteint ses limites et il va falloir le repenser.

Et je suis de ceux qui estiment que la décroissance n’est pas nécessairement une absurdité. Car, au contraire, la course effrénée à la croissance nous mène “droit dans le mur”. La logique de la Supply Chain Management qui s’appuie sur un fractionnement mondialisé des acteurs de la production montre ses limites. Le réflexe national de stopper les exportations en cas de crise d’approvisionnement en est une illustration, comme ce fut le cas pour le secteur pharmaceutique ces dernières semaines avec la pénurie de masques et de certains médicaments.

Et l’Europe…

Face au danger sanitaire, le réflexe des États a d’abord été nationaliste. Des dérives graves ont d’ailleurs été constatées : à l’occasion de la crise, des pouvoirs spéciaux pour une durée indéterminée ont été accordés à l’exécutif par le parlement de Hongrie, par exemple. Heureusement, selon moi, la logique européenne va nous permettre de sortir de la crise. Contrairement à Jacques Delors, je ne suis pas pessimiste à cet égard car l’Europe agit. On ne le dit pas assez même si Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, fait des efforts en matière de communication.

L’union européenne qui, rappelons-le, ne peut agir qu’avec les compétences concédées par les États, a mobilisé plus de 3000 milliards d’euros pour faire face à la crise du coronavirus qui touche tous ses membres. Elle finance la recherche, elle suscité la solidarité européenne, elle prend des mesures pour protéger les Européens.

Prochain grand défi : le budget ?

On évoque des milliards d’euros de déficit après la crise. Le président du Conseil européen, Charles Michel, insiste sur la nécessité d’augmenter le capital de la Banque européenne d’investissement. D’autres propositions sont sur la table : les “euro-bons” par exemple, une obligation libellée en euro qui serait émise, non plus par les gouvernements nationaux mais au nom de l’UE.

Des mécanismes plus ou moins similaires ont été mis en place lors de la crise grecque en 2007 : des Etats membres se sont portés garants pour emprunter sur les marchés, ce qui a permis à la Grèce de disposer de capitaux à des taux nettement moins élevés. Aujourd’hui, l’Union européenne pourrait se porter garante pour les États européens, afin de financer la relance. Ce serait une première car la règle qui prévaut jusqu’à présent n’autorise par l’UE à emprunter.

Or le budget pluriannuel doit se renégocier cette année pour la période 2021-2026 (ce qui explique l’empressement des Britanniques à quitter l’UE en 2020). Avec quelles règles ? Quelles priorités ? Cela reste à définir, comme les modalités du déconfinement. Celui-ci devra être envisagé à l’échelle européenne, sinon cela n’aura aucun sens.

MICHEL Quentin JLW-(6) Quentin Michel est Professeur de Politique Européenne en Faculté de Droit, Science politique et Criminologie. Il fait partie des membres de l'Unité de Recherche Cité consacrée aux enjeux de Gouvernance, Justice et Société.

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