Une publication dans Nature

Une analyse génomique à grande échelle met en évidence les facteurs de risque de la COVID-19

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Une étude sans précédent, qui a rassemblé plus de 3500 chercheurs et médecins issus de 25 pays à travers le monde, révèle plusieurs marqueurs génétiques associés à l’infection et/ou au développement de formes sévères de la COVID-19. Les résultats de l’étude menée par le consortium “COVID-19 Host Genetics Initiative”, à laquelle ont participé des scientifiques de l’Université de Liège, du CHU de Liège et du CHC Mont Légia, font l’objet d’une publication dans la revue scientifique Nature. Des résultats prometteurs qui pourraient contribuer à fournir des cibles pour de futures thérapies.

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n mars 2020, des milliers de scientifiques à travers le monde décidaient d’unir leurs forces pour répondre à une question urgente et complexe : quels facteurs génétiques font que certains patients atteints de la COVID-19 développent une maladie grave, potentiellement mortelle, nécessitant une hospitalisation, alors que d'autres s'en sortent avec des symptômes légers voire sans symptômes du tout ? Une question qui trouve aujourd’hui des premières réponses grâce à l’étude de grande ampleur menée par le consortium “COVID-19 Host Genetics Initiative”, lancée par Andrea Ganna, chef de groupe à l'Institut de médecine moléculaire de Finlande (FIMM) de l’Université d'Helsinki, et Mark Daly, directeur du FIMM et membre de l'Institut Broad du MIT et de Harvard qui a rassemblé plus de 3500 chercheurs et médecins aux quatre coins du monde. Un résumé complet des résultats obtenus à ce jour est publié dans la revue scientifique Nature. Il révèle 13 loci - ou emplacements dans le génome humain - qui sont fortement associés à l'infection ou au développement des formes graves de la COVID-19. Les chercheurs ont également identifié des facteurs de causalité tels que le tabagisme ou un indice de masse corporelle élevé. Ces résultats sont issus de l'une des plus grandes études d'association pangénomique jamais réalisées, qui inclut près de 50 000 patients atteints de COVID-19 et deux millions de personnes “contrôle” non infectées. Ces résultats pourraient contribuer à fournir des cibles pour de futures thérapies et illustrent la puissance des études génétiques pour en savoir plus sur les maladies infectieuses.

Exploiter la diversité

Pour effectuer leurs analyses, les membres du consortium ont mis en commun les données cliniques et génétiques de près de 50 000 patients testés positifs au virus, et de 2 millions de témoins provenant de nombreuses biobanques, d'études cliniques et d'entreprises de génétique telles que 23andMe, une société américaine qui propose l’analyse génétique de particuliers . Grâce à la grande quantité de données provenant du monde entier, les scientifiques ont été en mesure de produire des analyses statistiquement robustes beaucoup plus rapidement, et à partir d'une plus grande diversité de populations, ce qu'aucun groupe n'aurait pu faire seul.

Sur les treize loci identifiés à ce jour par l'équipe, deux présentaient des fréquences plus élevées chez les patients d'ascendance est-asiatique ou sud-asiatique que chez ceux d'ascendance européenne, ce qui souligne l'importance de la diversité dans les ensembles de données génétiques. "Nous avons eu beaucoup plus de succès que les efforts passés dans l'échantillonnage de la diversité génétique parce que nous avons fait un effort concerté pour atteindre les populations du monde entier", a déclaré Mark Daly. "Je pense que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, mais nous faisons de très bons progrès".

L'équipe a mis plus particulièrement en évidence un de ces deux loci, situé près du gène FOXP4, qui est lié au cancer du poumon. La variante FOXP4 associée au COVID-19 sévère augmente l'expression de ce gène, ce qui suggère que l'inhibition de ce gène pourrait être une stratégie thérapeutique potentielle. Les autres loci associés aux formes sévères de la COVID-19 comprenaient le gène DPP9, également impliqué dans le cancer du poumon et la fibrose pulmonaire, et le gène TYK2, qui est impliqué dans certaines maladies auto-immunes.

Les chercheurs vont continuer à étudier d'autres données au fur et à mesure qu'elles leur parviendront et mettront à jour leurs résultats dans la rubrique "Matters Arising" de Nature. Ils vont également se pencher sur les raisons qui différencient les "long-haulers" - les patients dont les symptômes de la COVID-19 persistent pendant des mois - des autres, et continueront à identifier d'autres loci associés à l'infection et à la forme grave de la maladie.

"Nous aimerions pouvoir proposer quelques hypothèses ou pistes thérapeutiques très concrètes au cours de l'année prochaine", a déclaré Mark  Daly. "De manière réaliste, nous allons très probablement aborder la COVID-19 comme un problème de santé grave pendant longtemps. Toute thérapeutique qui émergerait cette année, par exemple en réadaptant un médicament existant sur la base de connaissances génétiques claires, aurait un grand impact."

Un nouvel espace pour la génétique

Les scientifiques ont pu trouver des signaux génétiques solides grâce à leurs efforts de collaboration, à un esprit cohésif de partage des données et de transparence, et à l'urgence de la même menace mondiale, au même moment. Les généticiens, qui travaillent régulièrement avec de grands ensembles de données, connaissent depuis longtemps les avantages de la collaboration ouverte. "Cela ne fait qu'illustrer à quel point la science est meilleure - à quel point elle va plus vite et combien nous découvrons de choses - lorsque nous travaillons ensemble", a déclaré Andrea Ganna, co-instigateur du mouvement. Selon les chercheurs, les idées issues de ces travaux sont uniques et peuvent changer la donne dans le domaine de la génétique humaine, qui a été dominé par les études sur les maladies chroniques courantes, les maladies génétiques rares et le cancer.

"Ces découvertes ont été très instructives et nous ont fait réaliser qu'il y a beaucoup de potentiel inexploité dans l'utilisation de la génétique pour comprendre et potentiellement développer des thérapies pour les maladies infectieuses", conclu Mark Daly. "J'espère que cela servira d'exemple pour la manière dont nous migrerons vers le futur. »

L’engagement liégeois

Du côté liégeois, la mobilisation a été très rapide. Une soixantaine de chercheurs et médecins de l’ULiège (principalement du GIGA), du CHU de Liège et du CHC Mont Légia se sont très vite mobilisés. Souad Rahmouni, chercheuse au GIGA et coordinatrice du projet pour l’ULiège se rappelle : "Le 16 mars 2020, le Dr Michel Moutschen (GIGA / CHU de Liège) m'a contactée pour commencer à construire une biobanque COVID-19. Très vite nous avons établi un protocole de collecte de matériel corporel humain qui a été soumis au comité d'éthique local. Le temps d'obtenir l’approbation, les nombreux volontaires se sont mis au boulot. Nous avons commencé le biobanking le 23 mars 2020 dans un hôpital vide, mais pour les patients gravement malades, les patients COVID-19, le personnel médical et nous. »

Des financements ont été obtenus très rapidement provenant de la Région wallonne, de la fondation Léon Fredericq, de l'Université de Liège et du FNRS. En parallèle le groupe liégeois a mis en place des réunions hebdomadaires réunissant des médecins, des vétérinaires, des infirmières  et des chercheurs ayant des compétences complémentaires. « Les échantillons (ARN, ADN, plasma et sérum) de plus de 500 patients hospitalisés atteints du COVID-19 et de plus de 300 sujets non hospitalisés récoltés jusqu’à présent nous a permis de participer à l'effort international au sein du consortium de génétique de la COVID-19 () visant à découvrir les déterminants génétiques de la susceptibilité à la COVID-19, de sa sévérité et de ses résultats. »

COVID-19 Host Genetics Initiative

Le rassemblement mondial, appelé “COVID-19 Host Gnenomics Initiative”, a été fondé en mars 2020 par Andrea Ganna, chef de groupe à l'Institut de médecine moléculaire de Finlande (FIMM), Université d'Helsinki, et Mark Daly, directeur du FIMM et membre de l'Institut Broad du MIT et de Harvard. L'initiative s'est développée pour devenir l'une des plus vastes collaborations en génétique humaine et comprend actuellement plus de 3 500 auteurs, dont 59 de l'ULiege, du CHU de Liège et du CHC MontLegia, et 61 études provenant de 25 pays. Les cohortes belges (BelCovid et Populations témoins) comprennent environ 500 cas confirmés de COVID et plus de 1500 témoins collectés avant les pandémies de COVID dans les hôpitaux de la région de Liège (CHU de Liège et CHC MontLegia).

Consulter le site

Référence scientifique

The COVID-19 Host Genetics Initiative. Mapping the human genetic architecture of COVID-19. Nature. Online July 8, 2021

Contacts

Gilles Darcis

Julien Guiot

Souad Rahmouni

 

Illustration

Une vaste analyse génomique met en évidence les facteurs de risque du COVID-19
Une collaboration internationale permet de découvrir plusieurs marqueurs génétiques associés à l'infection par le SRAS-CoV-2 et à la gravité du COVID-19.

OVID-19 Host Genetics Initiative map


Contributions ULiège | CHU de Liège | CHC Mont Légia

BelCovid Liege cohort

Data Collection Lead
Souad Rahmouni (ULiege et CHU of Liege), Julien Guntz (for CHC MontLegia),

Admin Team Lead

Yves Beguin (ULiège - CHU de Liège)

Data Collection Member

GIGA - ULiège

Michel Georges, Samira Azarzar, Catherine Moermans, Sofia Melo, Nicolas Jacques, Emmanuel Di Valentin, François Giroule, Alice Collignon, Coraline Radermecker, Marielle Lebrun, Alice Collignon, Hélène Perée, Samuel Latour, Olivia Barada, Judit Sanchez, Claire Josse, Bouchra Boujemla, Margot Meunier, Emeline Mariavelle, Sandy Anania, Hélène Gazon, Monique Henket, Myriam Mni, Marie Wéry, Alicia Staderoli, Yasmine Belhaj,

CHU de Liège

Gilles Darcis, Michel Moutschen, Benoit Misset, Julien Guiot, Patricia Dellot, Stéphanie Gofflot, Axelle Bertrand, Gilles Parzibut, Mathilde Clarinval, Olivier Malaise, Kamilia El Kandoussi, Raphaël Thonon, Pascale Huynen, Alyssia Mesdagh, Danusia Juszczak, Marjorie Fadeur, Séverine Camby, Christelle Meuris, Marie Thys, Jessica Jacques, Philippe Léonard, Frederic Frippiat, Jean-Baptiste Giot, Anne-Sophie Sauvage, Christian Von Frenckell, Bernard Lambermont

CHC MontLegia

Sabine Claassen, Laurent Gadot

Population Controls 

Data Collection Lead 

Edouad Louis, Michel Georges, Souad Rahmouni (ULiège – GIGA)

Data Collection Member 

Myriam Mni, Jean-François Rahier

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