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Musique en Wallonie, Société royale : La recherche au service de la musique


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La firme de disques Musique en Wallonie installée au sein de l'Université de Liège valorise depuis 50 ans le patrimoine musical wallon, une longévité très exceptionnelle pour une firme de disques qui peut désormais porter le titre de Société royale. Sa particularité est de reposer sur des recherches scientifiques à tout niveau et une exigence de haute qualité pour l’interprétation, qualité presque systématiquement saluée par la presse spécialisée et souvent récompensée.

Créé en 1971, le label a déjà produit 181 disques vendus dans la monde entier et téléchargeables sur internet.  Son objectif reste inchangé, il s’agit de valoriser, par le disque, les compositeurs wallons et bruxellois, depuis le moyen âge et jusqu'en 1950, mais aussi des compositeurs étrangers ayant vécu en Wallonie. Pendant ces 6 siècles, en effet, le pays a vu une succession de grands noms de l’histoire de la musique comme Pierre de la Rue, Roland de Lassus, Henry Du Mont, André-Modeste Grétry, Henri Vieuxtemps, César Franck, Eugène Ysaÿe, Arthur Grumiaux, etc, et toute une série de compositeurs moins connus aujourd’hui, des « petits maîtres » souvent de grand talent, qui ont joué un rôle de premier plan dans la vie musicale d’une ville, d’une région ou d’un ordre religieux…

Des projets nés dans les universités

Derrière chacune des productions de Musique en Wallonie, il y a un travail de recherche musicologique et historique minutieux : redécouverte de compositeurs ou d’œuvres oubliées, recherche des documents, analyse et comparaison des sources, déchiffrage, transposition dans des partitions modernes… Ce sont des thèses de doctorat, des mémoires d’étudiants ou des travaux de recherche universitaire qui sont à l’origine des différents projets de disque.

Ainsi, par exemple, pour Les Motets de Jean-Noël Hamal, un des cinq disques sortis à l’occasion de ce 50e anniversaire, le projet repose sur un très important travail de recherche biographique réalisé à Liège, un inventaire et un catalogue des œuvres du compositeur.

Le disque de Lieder d’Édouard Lassen est dû aux travaux de Manuel Couvreur à l’ULB, qui a pu remettre à l’honneur ce magnifique compositeur qui jouissait au XIXe siècle d’un énorme succès – ses lieder figuraient parmi les plus chantés – mais que le régime nazi avait enterré.

Pour les deux Messes anonymes qui viennent d’être publiées, les transcriptions ont été réalisées à l’université de Princeton. Ce sont des œuvres étonnantes qui ont intrigué les musicologues par leur difficulté, une complexité telle qu’elle réduisait drastiquement leurs chances d’être interprétées…  Un vrai défi pour cet enregistrement, qui a pu être brillamment relevé par l’ensemble Cut Circle.

Dans tous les projets du label, l’Université de Liège est impliquée, puisque le Pr Christophe Pirenne, qui assume les fonctions d’administrateur délégué, intervient toujours, ce qui ne l’empêche pas de diriger aussi des productions, comme c’était le cas entre 2014 et 2018 pour une série de 5 CD consacrés à la vie musicale durant la Grande Guerre.

Un autre projet liégeois est en cours actuellement. Émilie Corswarem a en effet en charge la production des Vêpres en l’honneur de Saint Lambert, du compositeur liégeois du XVIe siècle Lambert de Sayve. Ses travaux et son expertise ont permis d’aboutir à l’enregistrement réalisé le mois dernier avec les ensembles Concerto Imperiale et Polyharmonique sous les directions de Fabien Moulaert et Alexander Schneider. Le disque sera disponible dans quelques mois.

Une haute exigence que qualité

Des récompenses couronnent régulièrement les productions de Musique en Wallonie : Diapason d'or, 10 de répertoire, Grand prix du disque Charles Cros, Prix Jaumain de l'Académie Royale de Belgique, Choc de la Musique, Editor's Choice de Gramophone, Goldberg 5, Joker Crescendo...

Pour l’interprétation des œuvres, le label ne fait en effet appel qu’à des artistes de très grand talent, belges ou étrangers, choisis avec grand soin. Quelquefois, il arrive à s’attacher des musiciens exceptionnels au début de leur carrière, comme de jeunes lauréats du concours Reine Élisabeth. Quelquefois, c’est un concours de circonstances qui permet l’engagement de véritables stars comme ça a été le cas pour le ténor Reinoud Van Mechelen, rendu disponible par l’annulation des concerts prévus pendant le confinement.

L’aventure n’en est encore qu’à ses débuts

Musique en Wallonie a beau produire des disques depuis 50 ans, il reste énormément de travail pour faire pour sortir de l’oubli des œuvres remarquables de notre patrimoine. On peut estimer que 95% de ce qui a été composé est encore à exhumer et à enregistrer ! Et il ne s’agit pas que de petits maîtres.  La firme de disques se porte bien et a encore de très beaux jours devant elle.

En 2022, outre les Vêpres en l’honneur de saint Lambert de Lambert de Sayve, elle va produire l’anthologie de pièces de Roland de Lassus, transcrites au luth par des musiciens contemporains du compositeur, qui seront jouées par les luthistes Evangelina Mascardi, Frédéric Zigante et Cornelia Demmer.

Est programmé aussi le 6e disque de la Biographie musicale de Roland de Lassus, qui sera consacré à ses œuvres polissonnes : des chansons populaires érotiques qui lui avaient valu de gros ennuis avec l’Inquisition. Elles seront interprétées par l’ensemble suisse Daedalus, dirigé par Roberto Festa.

L’enregistrement de pièces pour orgue de César Franck est encore à souligner. En effet, les recherches menées par Joris Verdin dans les sources contemporaines de Franck révèlent qu’il s’agissait d’une musique pleine de joie, d’énergie, de légèreté et de clarté, assez loin de l’interprétation habituelle qu’on en a faite dans les nombreux enregistrements du XXe siècle. Le projet de Musique en Wallonie veut se tenir au plus près de l’intention et de l’esprit du compositeur, y compris dans le choix de l’instrument et le travail préparatoire.  Ces pièces seront interprétées par Joris Verdin, Cindy Castillo et Bart Verheyen.

Et ce ne sont pas les seuls projets. Il est notamment question de terminer l’intégrale de la musique symphonique d’Eugène Ysaÿe avec l’OPRL, le second volume des mélodies de Joseph Jongen, d’après la thèse de doctorat de Sarah Defrise est programmé pour 2023, etc.

Musique en Wallonie défend son idéal d’authenticité et ses exigences de qualité coûte que coûte, et, apparemment, cela paie. Car malgré la crise actuelle, la firme de disques affiche une longévité, une santé et un dynamisme que bien d’autres labels lui envient.

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Cinq disques, parus à l'occasion du 50e anniversaire,  à découvrir

Messes anonymes. Missa Gross senen - Missa L'ardant desir
Interprétées par Cut Circle, direction : Jesse Rodin

Jean-Noël Hamal, Motets
Interprétés par Scherzi Musicali, direction : Nicolas Achten

César Franck, De l'autel au salon - Œuvres chorales
Interprétées par le Choeur de chambre de Namur, direction : Thibaut Leanerts

Édouard Lassen, Lieder - Mélodies
Interprétées par Reinoud Van Mechelen et Anthony Romaniuk

Joseph Jongen, Sonata eroïca. Pièce pour orgue
Interprétée par Cindy Castillo

 

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