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Outils de manipulation génétique : quelle spécificité ?


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Hybridation in situ d’un marqueur de l’œil dans des embryons injectés avec les morpholinos ciblant Srsf5a de Danio rerio (haut) et des des embryons non injectés (bas).

Lors de l’étude des fonctions d’un gène spécifique, le choix de l’approche expérimentale peut mener à l'observation de résultats très différents. Il convient donc de rester prudent quant à leur interprétation. C'est le problème posé par une étude récente initiée par le Pr. Patrick Motte (InBioS) et le Dr. Marc Muller (GIGA-R) et publiée dans la revue Nucleic Acids Research(1).

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'objectif de cette étude, initiée dans le cadre d’une collaboration entre les laboratoires de Génomique fonctionnelle et imagerie moléculaire végétale (InBioS) et  Organogenesis and Regeneration (GIGA-R) était d’évaluer le rôle de facteurs d’épissage de la famille SR (Ser/Arg-rich ; protéines ainsi définies car elles possèdent un domaine riche en sérines/arginines)  au cours du développement du poisson-zèbre Danio rerio (espèce modèle du groupe des vertébrés). Ces protéines, qui régulent diverses étapes de l’expression génique et contribuent à la diversité du protéome, ont un rôle physiologique lors du développement qui reste peu connu. Conceptuellement, les fonctions d’un gène ne peuvent être suggérées que si les conséquences phénotypiques de l’absence du produit fonctionnel du gène peuvent être observées… il faut donc provoquer une perte de fonction partielle ou totale et analyser les conséquences physiologiques, métaboliques et développementales de cette perte de fonction.

Pour évaluer ce processus, les chercheurs ont utilisé (i) l’injection de morpholinos dans les embryons (technique abondamment utilisée pour diminuer l’expression de gènes chez le zebrafish) et (ii) une approche par mutagenèse ciblée par les techniques TALEN et CRISPR/Cas9, véritables outils génétiques révolutionnaires et très performants pour générer des mutations.

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Schéma illustrant deux types de manipulations génétiques qui peuvent provoquer des modifications drastiques (en haut) ou beaucoup plus discrètes (en bas). ©Patrick Motte

Une fois les résultats obtenus, de fortes différences ont été observées entre ces deux approches. Les chercheurs ont donc décidé d’investiguer et d’analyser les causes de cette discordance. Ils en sont arrivés à la conclusion que, d'une part, les morpholinos pouvaient agir de manière imprévue (inattendue) sur un nombre élevé d’ARNs si ceux-ci présentaient 11 bases consécutives s’hybridant aux morpholinos et que, d'autre part, la mutation de gènes SR entrainait la surexpression d’autres membres de cette famille, susceptible de compenser l'absence du gène ciblé.

Globalement, ces résultats posent la question du choix de l’approche expérimentale dans le cadre de l’étude des fonctions d’un gène spécifique, ils incitent à la prudence dans l'interprétation des résultats, et contribuent au débat international sur ce problème.

Pour mieux comprendre

L’épissage est un mécanisme qui permet à un ARN transcrit de se débarrasser des séquences introniques, c’est-à-dire des portions de gène non-codantes, afin de former l’ARN messager qui sera traduit en protéine.

Le protéome est l’ensemble des protéines exprimées par un génome, une cellule, un tissu, un organe, un organisme.

La mutagenèse (ou mutagénèse ) est le processus d'apparition d'une mutation, il peut être naturel ou artificiel (par exposition de l'ADN à un « agent mutagène »).

En biologie moléculaire, un morpholino est un type de molécule utilisé pour modifier l'expression génétique

Référence scientifique

(1) Number of inadvertent RNA targets for morpholino knockdown in Danio rerio is largely underestimated: evidence from the study of Ser/Arg-rich splicing factors, Marine Joris, Marie Schloesser, Denis Baurain, Marc Hanikenne, Marc Muller, Patrick Motte
Nucleic Acids Research, Volume 45, Issue 16, 19 September 2017, Pages 9547–9557, https://doi.org/10.1093/nar/gkx638

Contact

Pr. Patrick Motte, Laboratoire de Génomique fonctionnelle et imagerie moléculaire végétale, UR InBioS
 +32 4 3663810 | Patrick.Motte@uliege.be

Dr. Marc Muller,  Laboratory for Organogenesis and Regeneration, URif GIGA-R
+32 4 3664437 | M.Muller@uliege.be |

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