Publication scientifique

Comprendre comment les plantes répondent aux agressions de pathogènes


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Une collaboration scientifique franco-belge, à laquelle participe des rechercheurs du Laboratoire de Biophysique Moléculaire aux Interfaces (LBMI), a permis d’ouvrir de nombreuses perspectives dans la compréhension du rôle de l’ancrage de la protéine « rémorine » à la membrane plasmique dans propagation virale chez les plantes.

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a membrane plasmique est un véritable champ de bataille où se livre une guerre sans relâche contre les pathogènes qui attaquent les organismes hôtes. Cette membrane, qui entoure les cellules crée une barrière physique et délimite la frontière avec le milieu extérieur, est loin d’être une simple « peau » inerte. En effet, les lipides et les protéines qui la constituent perçoivent les signaux provenant de l’intérieur et de l’extérieur, et coordonnent les réponses de la cellule. C’est particulièrement vrai dans le cas des réponses déclenchées par les pathogènes, induisant une réponse immunitaire permettant l’établissement des mécanismes de défense. Les plantes possèdent, comme les animaux, un système immunitaire très efficace qui permet la lutte contre les bactéries, les champignons et les virus qui les attaquent. La membrane plasmique constitue alors un des éléments cellulaires clés permettant l’établissement de la réponse immunitaire, puisque les pathogènes pour se propager dans l’organisme sont obligés de rentrer en son contact et de la traverser.

Accrochage membranaire LBMI

L’accrochage membranaire de la protéine REM via une ancre non conventionnelle (REM-CA) qui interagit avec des lipides particuliers (PI4P) (1) permet le formation de domaines membranaires (2) dont les propriétés de dynamique et d’agrégation sont cruciales pour déclencher la réponse immunitaire antivirale (3)

Les Dr Laurence Lins et Magali Deleu,  du Laboratoire de Biophysique Moléculaire aux Interfaces (LBMI) de la faculté de Gembloux Agro-Bio Tech, avaient précédemment démontré (A.Perraki, JL Cacas, JM Crowet, L. Lins, M. Castroviejo, S. Mongrand and S. Raffaele,Plant Physiol 2012 160(2):624-37) qu’une protéine végétale de la membrane plasmique, appelée REMORINE (REM), était impliquée dans la réponse des plantes contre les virus, et que cette protéine empêchait la propagation de cellule à cellule de certains virus. C’est donc dans cette voie qu’elles ont continué leurs recherches en essayant de comprendre comment cette protéine s’ancre à la membrane, et comment sa localisation dans la membrane  permet une réponse antivirale efficace.  Ce projet de recherche a pu voir le jour grâce à une collaboration entre cinq laboratoires français et belge.  Fruit de cette riche collaboration et récemment publié dans la revue eLife, un article montre l’importance de la ségrégation de REM en domaines membranaires fonctionnels capables de déclencher l’immunité antivirale.

Ancrage-stabilisation-membrane

REM-CA DANS LE CYTOSOL : Le domaine d’ancrage de REM (REM-CA) est initialement dans le cytosol
ANCRAGE À la MEMBRANE : Lors de la simulation, REM-CA s’approche spontanément du feuillet interne de la membrane et vient interagir avec le PI4P. Ces interactions spécifiques rapprochent REM-CA de la membrane. Ensuite, tout le domaine interagit avec la membrane, non seulement avec PI4P mais aussi avec les autres lipides
STABILISATION DE L’ANCRAGE : Le domaine d’ancrage se stabilise et s’enfonce plu profondément dans la membrane, ce qui lie toute la protéine REM dans manière irréversible à la membrane (protéine non représentée)

Par des approches multidisciplinaires de biochimie, biophysique et de biologie structurale, ce travail a d’abord montré que REM est ancrée à certains lipides du feuillet interne de la membrane plasmique (appelé phosphoinositides) par un mécanisme original conduisant à un changement de conformation de l’ancre protéique qui induit un accrochage profond de REM dans le feuillet interne de la membrane plasmique. Les chercheurs ont ensuite démontré que cet accrochage membranaire permettait la formation de domaines membranaires enrichis en REM, dont les propriétés de dynamique et d'agrégation en domaines étaient cruciales pour déclencher la réponse immunitaire antivirale.

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Domaines lipidiques de propagation virale chez les plantes

Les Dr Laurence Lins et Magali Deleu du Laboratoire de Biophysique Moléculaire aux Interfaces (LBMI) de Gembloux Agro-Bio Tech etudient les mécaniqmes de défenses des plantes fasse aux agressions de pathogènes.

« Ce travail ouvre de nombreuses perspectives pour comprendre comment les plantes répondent aux agressions de pathogènes et au rôle de la membrane plasmique dans ces mécanismes moléculaires », souligne Laurence Lins.

Le Laboratoire de Biophysique Moléculaire aux Interfaces (LBMI) est une unité de recherche principalement dédiée à la biophysique et la modélisation moléculaire. Les thèmes de recherche s’articulent autour de l’interaction entre biomolécules et membranes lipidiques afin d’élucider les relations structure/activité qui en découlent. Les domaines d’application sont variés, allant de la pharmacologie au système immunitaire des plantes. L’équipe de chercheurs du LBMI focalise actuellement ses activités sur la membrane plasmique des plantes. Grâce à ses collaborations nationales et internationales, le LBMI intègre la biophysique moléculaire in vitro et in silico aux disciplines telles que la physiologie végétale, la biologie structurale ou cellulaire.

Pour mieux comprendre

Membrane plasmique : membrane qui délimite une cellule et en sépare l'intérieur (le cytoplasme) du milieu extérieur. Elle est composée de lipides dans lesquels des protéines sont insérées et permettent la transmission de signaux entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule. La membrane plasmique des cellules végétales ont des propriétés de rigidité différentes par rapport à celles des cellules animales, ce qui leur donne des caractéristiques tout à fait particulières, comme celle de résister à des températures aussi hautes que 40°C ou inférieures à 0°C.

Référence scientifique

Structural Basis for Plant Plasma Membrane Protein Dynamics and Organization into Functional Nanodomains. eLife, Julien Gronnier, Jean-Marc Crowet, Birgit Habenstein, Mehmet Nail Nasir, Vincent Bayle, Eric Hosy, Matthieu Pierre Platre, Paul Gouguet, Sylvain Raffaele, Denis Martinez, Axelle Grelard, Antoine Loquet, Françoise Simon-Plas, Patricia Gerbeau-Pissot, Christophe Der, Emmanuelle M. Bayer, Yvon Jaillais, Magali Deleu, Véronique Germain, Laurence Lins*, Sébastien Mongrand* eLife 2017;6:e26404. DOI: 10.7554/eLife.26404

Lins-et-Deleu

 

Laurence LINS est Maître de recherches FNRS et responsable du Laboratoire de Biophysique Moléculaire aux Interfaces (LBMI). Elle a effectué sa thèse en 1994 à l’ULB sur les relations structure/fonction des apolipoprotéines humaines, responsables du transport du cholestérol dans le sang. Après un post doc à Paris à l’hôpital Bichat en 1998, où elle s’est intéressé la fonction du récepteur membranaire RVPAC1 gastro-intestinal, elle a travaillé depuis 2001 dans le laboratoire du Pr Brasseur à la Faculté de Gembloux, où elle s’est spécialisée dans les approches de modélisation moléculaire in silico appliquées aux composants membranaires (lipides, protéines, peptides, drogues pharmacologiques).

Les principaux axes de recherche du Dr Laurence Lins sont l’étude des relations structure/activité des biomolécules (allant des protéines aux agents pharmacologiques) qui interagissent avec les membranes par des méthodes in silico et in vitro sur liposomes. Elle s’est également spécialisée dans l’analyse des séquences protéiques, tant membranaires que solubles  afin de prédire des domaines fonctionnels.

Magali DELEU est maître de recherches FNRS dans le Laboratoire de Biophysique Moléculaire aux Interfaces (LBMI) à la faculté Gembloux Agro-Bio Tech de l’Université de Liège. 

Après avoir effectué une thèse de doctorat en 2000, orientée sur l’étude des propriétés interfaciales et émulsifiantes de molécules amphiphiles biosourcées, elle s’est tournée vers l’étude des propriétés d’interactions membranaires de ce type de molécules. Dans ce cadre, elle a effectué un post-doc en 2003 et 2004 à l’Université de Lund en Suède où elle a acquis des connaissances approfondies sur différentes techniques de biophysique.

Les thématiques de recherches actuelles du Dr Magali Deleu sont axées sur l’étude des propriétés de surface de molécules biosourcées et des mécanismes impliqués dans leur insertion/interaction dans les membranes biologiques. Au moyen d’un panel de techniques biophysiques expérimentales, elle étudie plus particulièrement la spécificité lipidique des interactions et l’effet de la structure des molécules d’intérêt.  

Contacts

Laurence LINS & Magali DELEU

Laboratoire de Biophysique Moléculaire aux Interfaces I Département AgroBioChem

l.lins@uliege.be I magali.deleu@uliege.be

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