Découverte scientifique

Des aurores à protons observées pour la première fois sur Mars !


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Vue d'artiste de Mars Express. L'arrière-plan est basé sur une image réelle de Mars prise par la caméra stéréoscopique haute résolution de la sonde spatiale. crédit : ESA/ATG medialab

Un programme de recherche mené à l’Université de Liège en collaboration avec l'Observatoire Royal de Belgique et l’Université de Liège vient d’observer pour la première fois des aurores à protons sur la planète Mars, pourtant dépourvue de champ magnétique planétaire. Les chercheurs ont analysé les données recueillies entre 2004 et 2011 avec le spectromètre ultraviolet SPICAM à bord de la sonde Mars Express (ESA). C’est la première fois que des chercheurs constatent l’existence de ce type d’aurore ailleurs que sur Terre.

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otre Soleil libère dans l'espace un flux continu de particules chargées électriquement  (électrons, protons, ions), ce que l’on appelle le vent solaire. Ces particules atteignent les planètes du système solaire et interagissent avec leur champ magnétique global. Sur Terre, cette interaction mène à l’accélération vers la haute atmosphère de particules piégées dans le champ géomagnétique, ce qui résulte en des émissions lumineuses, mieux connues sous le nom d’aurores polaires, ces voiles de lumières extrêmement colorés et assez spectaculaires qui se produisent autours des pôles magnétiques de notre planète, parfois même à des latitudes plus basses pendant les périodes d'activité solaire accrue.

Sur Terre, on discerne trois types d’aurores : les aurores discrètes et les aurores diffuses - toutes deux déclenchées par des électrons - et les aurores à protons - également diffuses et qui, comme leur nom l’indique, sont déclenchées par des protons - chacune ayant une forme et une traduction lumineuse différente. Ces trois types d’aurores sont observés depuis longtemps sur notre planète, alors que sur Mars, les aurores à protons, viennent tout juste d’être observées par deux équipes de recherches, dont une menée par Jean-Claude Gérard de l’Université de Liège. « Jusqu’ici, les aurores à protons n’avaient pu être observées que sur notre planète, explique le chercheur du Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (LPAP) – STAR InstituteMars ne dispose pas d’un champ magnétique global comme la Terre, ce qui limite fortement l’apparition d’aurores, mais la planète présente toutefois des régions de l'hémisphère Sud qui ont gardé l'empreinte du champ magnétique qui régnait dans les périodes géologiques passées et qui permet donc l’apparition de ce type de phénomène physique. »

L'aurore discrète, déclenchée par les électrons, avait été cartographiée sur Mars en 2013 par la même équipe de l’ULiège à l’aide de SPICAM – un instrument de l’Agence spatiale européenne (ESA) destiné à l’étude des caractéristiques de l’atmosphère de Mars. Le second type d’aurore, l’aurore diffuse, a été découvert en 2015 par MAVEN, une sonde spatiale d'exploration de la planète Mars de l'agence spatiale américaine (NASA). Ces aurores sont beaucoup plus faibles sur Mars que sur Terre et sont globalement observées sur le côté nocturne de la planète, pendant les périodes d'activité solaire. L'aurore à protons qui a été récemment détectée est, quant à elle, visible uniquement du côté éclairé de la planète.

Des aurores à protons sur Mars

«L'aurore à protons martienne avait  été théoriquement prédite dès 2001, mais ce n'est que maintenant que l'on en a trouvé des preuves observationnelles, reprend Birgit Ritter, premier auteur de l’article publié dans Geophysical Research Letters (1) et chercheur au LPAP.  L'examen de sept années de données (de 2004 à 2011) récoltées de Mars Express a révélé que lorsqu’un flux de protons solaires supérieur à la normale atteint Mars, cette aurore à protons est perçue comme une augmentation de la brillance de l’atmosphère entre 120 et 150 km d’altitude. Ce phénomène peut se produire n'importe où sur le côté éclairé de la planète et n'est lié à aucune structure de champ magnétique».  Un flux de protons solaires supérieur à la normale peut par exemple se produire par une éjection de masse coronale (CME) pendant des périodes d’activité solaire accrue, lors de laquelle une énorme quantité de plasma solaire est éjectée en une fois dans l’espace interplanétaire. Ces CME peuvent transporter des nuages denses de protons de vent solaire loin dans le système solaire.


FIG-2-Aurores-proton-Mars-SPICAM

GAUCHE : Observations aurorales superposées sur une carte de l’intensité du champ magnétique martien. Les étoiles blanches indiquent les détections d’aurores à protons, tandis que les étoiles noires correspondent aux  aurores discrètes observées précédemment. DROITE: Profil d'altitude d'émission d’une aurore à proton détectée par l’instrument SPICAM. La courbe noire représente un profil d'émission Lyman-alpha dans l'atmosphère martienne sans aurore et celle en bleu montre la signature aurorale entre 120 et 150 km. La courbe magenta correspond à la différence.

Ces observations nous fournissent en effet un nouvel aperçu de la façon dont le vent solaire interagit directement avec Mars et avec d’autres objets de type planétaire, entourés par une couronne neutre. Le satellite Trace Gas Orbiter (TGO) qui vient de commencer cette année à observer l'atmosphère de Mars embarque une combinaison de spectromètres (NOMAD) capables de détecter l'émission visible de l'aurore à protons.

L'observation de l'aurore à protons sur Mars nous renseigne, comme souvent en recherche spatiale, sur la nature générale des processus physiques. Elle indique en outre que l'aurore à protons pourrait être très commune dans l'univers et que, contrairement à la vision traditionnelle, la présence d’un champ magnétique planétaire n’est pas requise pour produire le phénomène auroral. Toute planète en orbite autour d'une étoile active est exposée à son vent stellaire et donc soumise à un bombardement de protons similaire.

Les chercheurs du LPAP – STAR Research Institute - sont également impliqués dans l’étude et la compréhension de l’apparition de tels phénomènes sur Jupiter et sur Saturne, notamment.

Pour mieux comprendre les aurores polaires

Aurore polaire

Une aurore polaire est appelée aurore boréale dans l'hémisphère nord et australe dans l'hémisphère sud.  Elles se produisent dans les zones proches des pôles magnétiques et se traduisent par l'apparition de voiles colorés dans le ciel nocturne. Les aurores polaires sont provoquées par l'interaction entre des particules chargées émanant du soleil (vent solaire) et l’environnement spatial de la Terre. Celui-ci comprend des particules chargées, originaires du vent solaire lui-même d’une part et d’autre part de l’ionosphère, la haute atmosphère terrestre.  Le "vent" solaire n'est évidemment pas un courant d'air comme nous l'entendons habituellement mais il est constitué de flux de particules chargées électriquement en provenance du Soleil qui balayent en permanence le milieu interplanétaire. Ce vent très peu dense (5 à 10 particules par centimètre cube), fluctuant et très rapide (400 à 800 km/s). Il est composé principalement d'électrons, de protons et de noyaux d'hélium et, chose curieuse, il transporte le champ magnétique d’origine solaire comme gelé en son sein : le champ magnétique interplanétaire qui conditionne de manière cruciale l’interaction entre le vent solaire et l’environnement spatial des planètes possédant un champ magnétique intense.

La couleur et la forme des aurores polaires dépendent des particules impliquées (électrons ou protons comme projectiles, constituants atmosphériques comme cible). L'émission la plus couramment observée est la raie verte stimulée par les électrons énergétiques qui excitent les atomes d'oxygène dans la haute atmosphère, mais les émissions caractéristiques s'étendent des rayons X à l’infrarouge.

Lorsque les protons interagissent avec les constituants atmosphériques sur Terre (principalement l'azote et l'oxygène), ils capturent souvent un électron de ces composants neutres et se transforment en atomes d'hydrogène neutres. Une fraction de ces atomes se trouve dans un état excité et produit une émission ultraviolette (Lyman-alpha) lorsque ces atomes se relaxent en émettant de la lumière.

Référence scientifique :

(1) B. Ritter, J.-C. Gérard, B. Hubert, L. Rodriguez, and F. Montmessin (2018). Observations of the Proton Aurora on Mars with SPICAM on board Mars Express, Geophysical Research Letters, 45. https://doi.org/10.1002/2017GL076235.

Contacts

Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (LPAP) - STAR Research Institute

Dr. Birgit RITTER - b.ritter@uliege.be - Tel : +32 (0)4 366 97 82
Pr. Jean-Claude GÉRARD - JC.Gerard@uliege.be - Tel : +32 (0)4 366 97 75

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