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« Je suis revenu ! », s’exclame le loup dans un conte pour enfants 1. Et notre carnivore de se préparer par des exercices de musculation tout en salivant sur ses futures proies : le Petit Chaperon rouge, les trois petits cochons, le petit Pierre… Il part en chasse… et ne rencontre personne. Il finit par retrouver ses vieilles connaissances en train de partager un repas – végétarien – chez le lapin. Et tous d’affirmer en cœur qu’ils n’ont plus peur de lui mais qu’il est le bienvenu à leur repas… s’il leur raconte des his- toires de loup. Un conte pour enfants qui sert d’entrée en matière à de très sérieux débats universitaires ? Pourquoi pas ? Tant il résume bien le propos : notre regard sur le loup a changé depuis le XIX e siècle et il va sans doute devoir s’adapter à de nouvelles circonstances de vie. « Nous avons organisé ce colloque 2 , explique Dorothée Denayer, biologiste et docteur en sciences et gestion de l’environnement (Arlon campus environnement), parce qu’il existait une fenêtre temporelle assez unique : pouvoir débattre de l’arrivée du loup avant que des problèmes ne surviennent! » Disparu de nos contrées depuis la fin du XIX e siècle, le loup est en effet officiellement de retour depuis cette année (lire l’article p.33). Il est donc temps de nous y préparer pour tenter d’éviter ce qui s’est passé en France où la présence du loup est vécue d’abord comme une source de problèmes. Une situation qui s’explique sans doute en partie par le silence officiel qui a entouré sa réapparition dans le Mercantour voici une vingtaine d’années. « Trop souvent , poursuit Dorothée Denayer, les débats sur les questions d’environnement interviennent en aval des problèmes et non en amont. C’est pourquoi nous avons voulu discuter dès maintenant des situations potentiellement conflictuelles auxquelles le loup va confronter différents acteurs. » Anne- Laure Geboes, doctorante au sein de l’unité de recherche en biologie de l’évolution et de la conservation de l’ULiège mais aussi créatrice du “Groupe de Travail Loup” au sein de l’ASBL Natagora 3 , et coorganisatrice du colloque, souligne d’ailleurs que « le retour du loup a, pour l’instant, surtout impacté le niveau social ». UNE AUTRE CONCEPTION DE LA GESTION DE LA NATURE Fait intéressant, le loup pose donc la question plus large de la gestion de la faune en général. Nous sommes à une période charnière : la loi de protection de la nature date de 1973 et la gestion pratiquée dans les années 1980 et 1990 arrive doucement à son terme ; on le voit avec les problèmes posés par le castor, le blaireau ou le sanglier par exemple. Ouvrir le dossier “loup” est l’occasion de débattre de la gestion de la nature. « Une forme de consensus s’est établie dans la gestion des forêts entre les chasseurs, les exploitants et l’admi- nistration , souligne Anne-Laure Geboes. Le loup arrive un peu comme un chien dans un jeu de quilles. C’est un pré- dateur qui peut indifféremment s’en prendre à une espèce protégée, à du gibier, à des troupeaux. Il peut donc nous enlever, à nous les humains, une partie de notre contrôle sur la nature. Mais il peut aussi contribuer à maintenir un équilibre à la place de l’homme, être un régulateur natu- rel. » Pour Dorothée Denayer, « notre gestion de la nature ne doit donc plus être envisagée comme une anticipation parfaite de la situation, mais plutôt comme une préparation collective à des situations imprévisibles ». Le loup pourrait contribuer à maintenir un équilibre, être un régulateur naturel 1 Geoffroy de Pennart, Je suis revenu !, École des Loisirs, Paris, 2001 2 “Tant que le loup n’y est pas ? Comment négocier l’arrivée du loup en Région wallonne ?”, colloque organisé à l’université de Liège les 9 et 10 octobre 2018. 3 Natagora est une ASBL qui se consacre à la protection de la nature en Wallonie. Elle crée et gère des réserves naturelles avec comme objectif de redéployer la biodiversité en équilibre avec l’activité humaine. Pour y arriver, elle s’attache d’abord à étudier les espèces et leur milieu, puis à éduquer afin de changer les comportements. L’objectif du “Groupe de Travail Loup” est de garantir le caractère protégé de l’espèce, d’informer le grand public, de faciliter le dialogue entre les acteurs concernés. Natagora a édité une brochure sur le sujet. À télécharger sur www.natagora.be/le-groupe-de-travail-loup janvier-avril 2019 / 272 ULiège www.uliege.be/LQJ 31 univers cité

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