Dans un petit ouvrage édité par le CAL, le philosophe et politologue Jérôme Jamin entend dédramatiser le concept de populisme, lui retirer l'étiquette disqualificatoire et l'éloigner de son faux synonyme qu'est l'extrême droite. Pour cela, il nous propose une comparaison avec les États-Unis où le populisme est depuis toujours au coeur de la vie politique, sans être en rupture avec la dynamique démocratique.
U sant de positions simplistes, le populisme se présente comme le défenseur de la démocratie, celui qui protège la liberté du peuple (concept qui reste flou), il interroge la légitimité des élus, qui confisquent le pouvoir à leur seul profit et dénonce la dimension "représentative" de la démocratie. Exagérant les menaces, et réduisant les problématiques à un cadre simpliste, il guide le peuple par l'émotion et la peur. Le populisme est un style politique, une rhétorique spécifique, mobilisatrice, qui joue sur l'opposition peuple/élite et exploite le ressentiment.
Le discours populiste réclame plus de démocratie, recherche d'autres formes de pratiques démocratiques. C'est un appel fondamental à une démocratie "plus directe", sans intermédiaire. Le projet populiste propose un retour dans les mains du peuple du pouvoir "usurpé" par des élites pour répondre à des intérêts privés et particuliers sans lien avec la volonté populaire.
Le temps politique, nécessaire au fonctionnement des démocraties représentatives est stigmatisé comme le principal responsable de l'écart grandissant entre la volonté populaire et l'organisation effective de la société.
En Europe, le discours populiste est presque systématiquement associé à l'extrême-droite, bien qu'il puisse mobiliser des idéologies multiples et s'appliquer à de nombreux courants politiques.
Aux États-Unis, le concept de populisme apparaît dès le XIXe siècle, avec le People's Party et resurgit chaque fois que le rêve américain apparaît en danger. La littérature témoigne d'un populisme à tous niveaux de pouvoir et même à la Maison-Blanche, tant chez les démocrates que chez les républicains. Ronald Reagan, Bill Clinton, Al Gore, Barak Obama et Donald Trump se sont tous présentés – ponctuellement ou constamment – comme défenseurs du peuple contre une certaine élite.
Tant en Europe qu'aux États-Unis, on peut trouver du populisme de droite ou de gauche, sans pour autant que les discours soient similaires. L'opposition peuple/élite est constante, mais la définition du peuple varie considérablement : vu du côté de l'extrême-droite, on parle d'un peuple ethnique, racial, pur, authentique – en Europe et aux Éats-Unis, c'est principalement peuple blanc chrétien né sur le sol européen ou étasunien – alors qu'à l'extrême gauche, on parle plutôt d'un peuple de travailleurs, d'un peuple qui souffre, dans la précarité, exploité par le grand capitalisme...
Jérôme Jamin, Le populisme aux États-Unis. Un regard pour l'Europe, Éditions du Centre d'Action Laïque, coll. Liberté j'écris ton nom, Liège, 2019.
Philosophe et politologue, Jerôme Jamin, mène des recherches depuis plus de 20 ans sur la dynamique démocratique en Europe et aux États-Unis, le populisme, le nationalisme et l'extrême-droite.
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