Afin d’étalonner l’instrument de vol - un télescope de 0,27 m couplé à un spectromètre - dans des conditions proches de l’environnement spatial, l’Institut d’Astrophysique de Liège doit se doter d’une cuve de simulation spatiale pour des tests de calibration photométrique sous vide. Si l’ensemble est développé par un maître d’œuvre français, la cuve de 2 m de diamètre et 5 m de long, où l’on crée un vide poussé et des variations thermiques, voit le jour aux Ateliers de la Meuse, à Liège. L’entreprise liégeoise, qui donne naissance en 1983 à AMOS, se fait ainsi la main dans la réalisation de simulateurs spatiaux: le FOCAL-2 (Facility for Optical Calibration at Liege) est toujours opérationnel aujourd'hui dans l’infrastructure des moyens d’essais du CSL.
Le simulateur Focal-2 es toujours opérationnel : il sert à des essais dans une ambiance ultra-propre.
Il faudra cinq années, de janvier 1967 à 1972, pour que l’instrument S2/S68 devienne réalité. La société carolorégienne ETCA conçoit et développe sa micro-électronique. Le satellite de 473 kg est lancé le 12 mars 1972 par un lanceur américain Thor-Delta (à l’origine de l’acronyme TD) de la base militaire de Vandenberg en Californie. Mais les expérimentateurs de TD-1 n’allaient pas être au bout de leurs peines. Deux mois après la mise sur orbite, les deux enregistreurs de bord tombent en panne. Un plan de sauvetage passe par la mobilisation globale d’un réseau de stations pour recueillir en direct les données. L’observatoire va fonctionner, avec des hauts et des bas, jusqu’en mai 1974. Il permet d’établir deux catalogues de spectres d’étoiles dans l’ultra-violet qui restent, aujourd'hui encore, des outils de référence pour l'étude des étoiles chaudes.
Des lendemains qui déchantent
Pour IAL Space et la poursuite de ses activités au service de l’Europe spatiale, TD-1 a des lendemains qui déchantent. Le choc pétrolier de 1973 oblige les Etats à réduire la voilure de leurs investissements en science et technologie.
Le Professeur Monfils doit affronter une crise provoquée par une compression du budget spatial alloué à l’ULiège. Il doit gérer une situation dramatique avec des ressources qui sont réduites de moitié, passant de 24 à 13 millions de francs belges de l'époque (de 0,6 à 0,3 millions €). Or, la technologie spatiale exige d’importants subsides. Elle passe par une collaboration plus étroite avec l’industrie - notamment avec Matra – non seulement pour les essais de systèmes optiques mais aussi pour la conception et le développement d’instruments innovants. André Monfils, conscient de cette nécessité, est sur le qui-vive et doit manœuvrer délicatement. D'autant que le déploiement d'une activité à caractère industriel n'est pas du goût de tout le monde au sein de l'université.
De cette épreuve pour sa survie, IAL Space sort finalement grandi. Le Professeur Monfils, dont la ténacité a prévalu, et son équipe, qui sont habitués à relever les défis scientifiques et technologiques, doivent relever un autre défi de taille en mettant leur outil de recherche et d’étalonnage à la disposition de l’Europe spatiale. Le radiomètre que Matra réalise pour Meteosat-1, le premier satellite européen de météorologie, vient à Liège pour sa calibration optique. L’avenir d’IAL Space passe par la signature, en 1975, d’un protocole d’accord entre l’Université de Liège et l’ESA (European Space Agency). L’intégration du savoir-faire de l’infrastructure liégeoise dans un réseau européen de moyens d’essais spatiaux signifie la reconnaissance d’IAL Space comme pôle d'excellence en Europe pour la qualification d'instruments opto-électroniques qui doivent fonctionner dans les conditions extrêmes de l'espace.
Avenir européen
Cette solution de faire d’IAL Space une facilité coordonnée de l’ESA sauve l’équipe du professeur Monfils et préserve des compétences technologiques qui participaient à la renommée de l’Université dans le domaine spatial. La qualité de ses prestations pour l’ESA et l’industrie spatiale européenne se trouve confirmée pour le détecteur européen du satellite Hubble Space Telescope (HST) de la NASA, ainsi que pour la mission Giotto d’une sonde européenne vers la fameuse Comète de Halley. La Halley Multicolour Camera (HMC) qui réussit le 14 mars 1986 à prendre les premières vues rapprochées - jusqu’à quelque 600 km- d’un noyau cométaire fut calibrée par IAL Space dans FOCAL-2. Mais ce simulateur devient trop exigu et ses performances sont trop limitées. Surtout que les satellites de l’ESA deviennent plus ambitieux, complexes et volumineux…
IAL Space, afin de tester l’optique du satellite d’astrométrie Hipparcos réalisé par Matra, conçoit FOCAL-5 d’un diamètre de 5 m et de 6,6 m de long. Ce nouvel outil de simulation dans le vide est financé par l’ESA et réalisé par la PME AMOS (Advanced Mechanical and Optical Systems) qui est créée en 1983 au sein des Ateliers de la Meuse. En 1984, pour accueillir FOCAL-5, IAL Space, avec le support financier de la Région Wallonne - grâce aux Ministres Jean-Maurice Dehousse et Melchior Wathelet -, s’installe dans le Parc scientifique du Sart Tilman. Un bâtiment de quelque 4.000 m² - propriété de l’Université - est construit autour d'une salle propre qui abrite trois cuves de simulation. Le financement Prodex auquel contribue la Belgique, fait participer l’Université de Liège à bon nombre de missions scientifiques sur orbite pour l’étude du Soleil, l’analyse des aurores, la connaissance de l’Univers. Et une équipe d’ingénieurs entreprend de réamorcer l’activité, qui avait marqué les débuts d’IAL Space, de conception et de développement d’instruments originaux et innovants pour des satellites, tant de l’ESA que de la NASA.
En 1988, sous l’impulsion de la Région Wallonne, IAL Space assiste à la naissance, dans son voisinage et avec des membres de son personnel, des jumeaux Spacebel, deux entreprises commerciales de systèmes spatiaux :
- Spacebel Instrumentation qui déposera son bilan en 1997 ;
- Spacebel Informatique qui devient un spécialiste européen des systèmes intelligents sur orbite, notamment avec les micro-satellites PROBA « made in Belgium » du programme technologique de l’ESA.
En 1991, le fondateur et directeur d’IAL Space accède à la retraite : le Professeur Monfils est remplacé par Claude Jamar, l’un de ses étudiants et chercheurs. A partir d’avril 1992, IAL Space affiche de nouvelles ambitions en prenant le nom de Centre Spatial de Liège (CSL). Son objectif est d’apporter une contribution essentielle à la reconversion économique du bassin industriel liégeois.
En 2001, Wallonia Space Logistics (WSL) prend forme avec le soutien du gouvernement wallon pour devenir le premier incubateur en Europe de jeunes entreprises dans des produits et services à haute valeur ajoutée qui sont dérivés des travaux de recherche et de développement dans les techniques de l’espace et les sciences de l’ingénieur. De son côté, A. Monfils a créé sa petite société : NEOC (New Electro-Optical Concepts) lui permet de rester actif dans le domaine des instruments optiques.