COVID-19 et (dé)confinement : opinion

Une mobilisation solidaire des entreprises

Investissement social et philanthropie


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Le caractère inédit de la crise sanitaire a bouleversé le quotidien des entreprises. Néanmoins, une fois passée la sidération liée au confinement et à la mise à l’arrêt de larges pans de notre économie, de très nombreuses entreprises se sont rapidement réorganisées et réorientées dans des actions de solidarité.

Une analyse de Virginie Xhauflair, titulaire de la Chaire Baillet-Latour en Investissement social et Philanthropie.

Cette mobilisation est, elle aussi, inédite. En Belgique, comme dans d’autres pays ayant fait le choix d’une solidarité organisée par l’Etat, la pratique de la philanthropie par les entreprises reste encore assez marginale. Bien que l’on observe depuis plusieurs années une évolution des mentalités et des pratiques, s’expliquant en partie par l’influence des Etats-Unis où le don est très développé, et par le développement de politiques de responsabilité sociétale par les entreprises, cela n’a rien de commun avec l’envolée de solidarités dont nous avons pu être témoins ces dernières semaines.

Chaque jour, on voir émerger de nouvelles initiatives solidaires portées par des entreprises qui souhaitent, à leur échelle, participer à l’effort collectif et répondre aux multiples besoins suscités ou accrus par la crise sanitaire. Certaines entreprises, qui pratiquaient déjà des formes de mécénat ou de sponsoring, ont réorienté leurs dons ou leurs actions vers la réponse aux urgences sanitaires. Pour de nombreuses autres, ce fut une première expérience, et la diversité des réponses apportées démontre tant leur capacité d’innovation et de créativité, que la prise de conscience de leur rôle sociétal et leur volonté d’engagement.

On a pu voir des entreprises faisant don de divers matériels de protection aux hôpitaux et aux soignants, d’autres convertissant leurs capacités de production pour pouvoir mettre à disposition gel hydro-alcoolique, pièces de respirateurs, moyens de protection contre le virus, etc. Des restaurateurs se sont mobilisés pour fournir des repas aux personnes précarisées ou sans-abri, ou encore pour apporter du réconfort au personnel des structures de soin. Certains ont mis à disposition des espaces pour de l’hébergement, ou des facilités logistiques pour le stockage et la distribution de produits de première nécessité. D’autres encore ont utilisé leur expertise IT pour développer divers outils et applications facilitant la coordination des initiatives solidaires, ou la rencontre des offres et des demandes d’appui bénévole. Mentionnons également la création de fonds de solidarité alimentés par les dons des salariés, et le plus souvent complétés par ceux de l’entreprise, ainsi que l’organisation de levées de fonds auprès de la communauté de clients et partenaires de l’entreprise. Enfin, dans cette énumération évidemment non exhaustive, il importe de souligner les nombreuses actions d’entraide entre entrepreneurs. Qu’il s’agisse de soutien à la trésorerie, de visibilisation et de mise en réseau d’entreprises, de partages d’outils pour apprendre à gérer de nouveaux risques ou à maintenir l’activité à distance en télétravail, les entrepreneurs n’ont pas ménagé leurs efforts pour se soutenir mutuellement.

Nous ne sommes encore qu’au début de cette crise, dont les effets systémiques à moyen et long terme nécessiteront sans nul doute le maintien de cette dynamique engagée, solidaire et créative. Les entreprises ont montré leur agilité, leur capacité à faire évoluer leurs business models pour répondre aux besoins de leurs parties prenantes. Dès lors, parallèlement à la relance de leur activité, nous encourageons tous ces nouveaux managers solidaires à faire un premier bilan de leurs actions de solidarité : quel en a été l’impact pour leurs bénéficiaires ? qu’est-ce que cela leur a apporté en interne ? qu’ont-il appris ? quel est le feed-back de leurs salariés? et quelle est l’expérience personnelle qu’ils en tirent ?

Sur un plan plus stratégique, cette expérience pousse les entreprises à repenser leur raison d’être et leurs relations avec leurs parties prenantes. Elle les conduit aussi à discerner leurs impacts sociaux et environnementaux pour adopter une nouvelle conception de la création de valeur. Cette dernière se construit désormais sur un périmètre élargi à l’entreprises et ses parties prenantes au sens large, et à l’aide de nouveaux indicateurs de performance, par exemple inspirés des Objectifs de développement durable de l’ONU.

Cette réflexion contribuera à la résilience des entreprises dans le « monde d’après » que la plupart d’entre nous souhaitent plus respectueux de l’écosystème de la planète et de tous ceux qui y vivent. Il s’agit désormais de passer de la solidarité à la coopération pour repenser les modèles sur base de nouveaux critères, et les entreprises seront un maillon crucial dans la création de ces nouvelles dynamiques coopératives !

Capture d’écran 2020-06-15 à 15.31.11 Virginie Xhauflair est chargée de cours à HEC-Liège École de gestion, titulaire de la Chaire Baillet-Latour en Investissement social et Philanthropie au sein de l'Unité de Recherche Management.
© Photo : Shutterstock
Texte paru également dans Spirit of Management (numéro de juin 2020), magazine de HEC-Liège École de Gestion

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