Alice Mouton est chargée de recherches FNRS au à la Faculté des Sciences de l’Université de Liège. Diplômée de l’Université de Liège (Biologie option Zoologie), elle est titulaire d’un doctorat en sciences (ULiège) sur l’histoire évolutive du muscardin  Alice Mouton est chercheuse au sein du laboratoire de génétique de la conservation qui fait partie de l’Unité de recherche InBios. Ses recherches portent sur l’utilisation de la génomique pour étudier des questions évolutives et de conservation chez les Gliridae (muscardin, lérot, lérotins), les mustelidae (le vison d’Europe) et les canidae (chiens).

Qu’évoque pour vous la Journée internationale des femmes et filles de science ?

Je ne savais pas que cette journée existait ! Je pense que la représentation féminine en science est importante afin de développer l’intérêt pour les disciplines STEM (science, technology, engineering, and mathematics) chez les jeunes chercheuses de demain. Il faut enterrer le vieux stéréotype d’associer les sciences au masculin. Plus on verra de femmes en sciences, plus on les mettra en avant (via l’initiative SOAPBOX Science par exemple) et au mieux on pourra changer les mentalités, casser les codes et déconstruire les clichés. Je pense aussi que pour cette raison, la vulgarisation et la communication scientifique jouent un grand rôle. 

Chercheuse, chercheur, même parcours ?

Le parcours de chercheur en général n’est pas du tout simple et très précaire. Peu de postes sont disponibles donc la compétition est forte. Le milieu de la recherche n’échappe pas aux disparités homme-femme et la crise Covid l’a certainement aggravé. J’ai déjà reçu des commentaires sexistes, des doutes concernant mes capacités intellectuelles, si je m’étais appellée Alain, je suis certaine que cela ne se serait pas produit.-. Dans un monde compétitif du publish or perish, où on demande que les chercheurs soient hyper mobiles, les femmes sont en général plus impactées que les hommes. Il y a des chercheuses en détresse suite à un congé maternité et d’autres qui demandent des congés prophylactiques mais qui n’obtiennent pas pour autant de prolongation de contrat. En général, les postes académiques restent toujours principalement occupés par des hommes. Seuls des hommes ont récemment postulé aux postes académiques de ma faculté. Que se passe-t-il donc entre le doctorat et le poste permanent ? Récemment j’ai obtenu un prix et j’étais la seule femme sur huit chercheurs ULiège, comment réduire ce biais de genre ? Depuis ces dernières années, des efforts sont faits pour équilibrer cela, mais il y a encore beaucoup du travail de ce côté-là.

Au sein de l’ULiège, quelles sont les autres chercheuses qui vous inspirent ou dont vous voudriez simplement citer le nom ? 

Nous avons beaucoup de chercheuses de talent, mais je pense plus particulièrement à Claire Remacle (biologiste), Annick Wilmotte (biologiste), Krishna Das (océnologue), Dorothée Denayer (biologiste), Vinciane Despret (Philosophe)

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Tous mes projets actuels utilisent la génomique pour répondre à des questions autour de la biodiversité, l’évolution ou la conservation d’espèces menacées ; par exemple identifier des structures génétiques ou des flux de gènes entre et au sein de populations ou bien identifier des gènes sous sélection suite aux pressions environnementales. Dans le cadre de mon projet de chargé de recherche FNRS j’étudie les problèmes de consanguinité chez le vison d’Europe, une des espèces de carnivore les plus menacées en Europe et en France, classé « en danger critique d’extinction » par l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature). En parallèle, je travaille au sein d’un consortium européen dont le but est de générer des génomes de références pour tous les eucaryotes en Europe. Ces génomes fournissent un aperçu unique de la diversité et devraient révolutionner la génomique de la conservation dans les années à venir.

Du point de vue professionnel, où vous voyez-vous dans 10 ans ?

Je suis très créative mais je suis en situation précarisée. D’ici dix ans j’espère déjà avoir pérennisé un poste de chercheuse (!). Dans mon labo, on travaillera sur la biodiversité urbaine et ses mécanismes d’adaptation. Je trouve que c’est une thématique fascinante autour de laquelle il est possible de développer et de questionner beaucoup de grands principes évolutifs. En plus d’établir des collaborations internationales, j’espère établir un groupe de travail interdisciplinaire autour de la biodiversité urbaine qui serait discutée d’un point de vue socio-économique et philosophique. Par ailleurs, le milieu artistique m’inspire beaucoup, et j’espère que d’ici dix ans j’aurai aussi trouvé un moyen d’intégrer des projets artistiques dans mes projets de recherche, et mettre plus que jamais en avant cette porosité entre nature, science et culture. Mon laboratoire sera inclusif, je veux proposer de multiples façons de travailler, d’apprendre, de communiquer, de réussir et de relier de nouvelles idées à des objectifs, et je mettrai aussi un accent particulier à vulgariser systématiquement mes recherches que ce soit auprès des citoyens ou bien dans les organismes environnementaux régionaux, fédéraux, européens.

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