Une publication dans Nature

La masse de glace du Groenland fond sept fois plus vite que prévu


Dans Recherche Communiqués de Presse
imgActu

Glaciers qui rejettent des icebergs dans les eaux du fjord de Mogens Heinesen, au sud-ouest du Groenland. (Source : Benoit Lecavalier)

Une étude menée par 89 scientifiques issus de 50 institutions, dont l’Université de Liège, fait état d’une situation des plus inquiétantes concernant la rapidité de fonte de la calotte du Groenland, et surtout de l’impact de cette fonte sur la hausse du niveau des mers et donc sur les populations côtières. En effet, les résultats de cette nouvelle étude démontrent une fonte plus rapide que ce qu’avait prévu le GIEC en 2013. Cette étude fait l’objet d’une publication dans le journal Nature.

A

lors que la COP25 arrive à son terme, une nouvelle étude alarmante - menée par le groupe de chercheurs IMBIE - sur l’état de fonte des glace du Groenland, vient de paraitre dans le journal scientifique Nature. Cette étude, menée par 96 scientifiques issus de 50 organisations internationales, compile des données relevées de 1992 à 2018 par des moyens terrestres et spatiaux. Les données de 11 missions satellites différentes ont été utilisées, y compris des mesures de l'évolution du volume, de l'écoulement et de la gravité de la fonte de la calotte. L'équipe a également utilisé des modèles climatiques régionaux – tels que le modèle régional MAR développé conjointement par le Laboratoire de Climatologie de l’ULiège et l'Institut de géosciences de l'environnement de Grenoble en France pour montrer que la moitié des pertes de glace du Groenland étaient dues à la fonte des glaces en surface, la température de l'air ayant augmenté d'environ 1°C/10ans depuis 1990. L'autre moitié est due à l'augmentation de l'écoulement glaciaire (vêlage d'icebergs), déclenché par la hausse des températures de l'océan.

Le groupe de chercheurs a donc estimé que, depuis 1992, le Groenland a perdu près de  3,8 billions (3800 milliards) de tonnes de glace ! Une perte suffisante pour faire monter le niveau des mers de 10,6 millimètres. « Nous constatons un niveau de perte qui ne fait que s’amplifier au fur et à mesure des années, explique Xavier Fettweis, chercheur qualifié frs-FNRS au Laboratoire de Climatologie de l’ULiège (Unité de recherches SPHERES / Faculté des Sciences). Le taux de perte de glace est passé de 33 milliards de tonnes par an dans les années 1990 à 254 milliards de tonnes par an au cours de la dernière décennie, soit sept fois plus en trois décennies. En 2019, les premières estimations suggèrent une perte d'environ 500 milliards de tonnes !  »

En 2013, le Groupe Intergouvernemental d'Experts sur l'Évolution du Climat (GIEC) avait prédit que le niveau mondial de la mer augmenterait de 60 centimètres d'ici 2100 (2), exposant 360 millions de personnes à des inondations côtières annuelles. Cette nouvelle étude qui montre que les pertes de glace du Groenland augmentent plus vite que prévu et suivent plutôt le scénario de réchauffement climatique le plus pessimiste du GIEC, prévoit  une augmentation supplémentaire du niveau des mers de sept centimètres, ce qui aurait des conséquences sur 40 millions de personnes supplémentaires qui seraient exposées aux inondations côtières d'ici 2100.

"Selon les tendances actuelles, gouvernées en partie par des anomalies dans la circulation atmosphérique en Arctique en été (3), la fonte des glaces au Groenland provoquera l'inondation de 100 millions de personnes chaque année d'ici la fin du siècle, soit 400 millions au total en raison de l'élévation du niveau de la mer, explique le professeur Andrew Shepherd, de l’Université de Leeds qui a mené l’étude. » Les pertes de glace ont culminé à 335 milliards de tonnes par an en 2011 - dix fois plus vite qu'au cours des années 1990 - pendant une période de fonte intense de la surface.  Bien que le taux de perte de glace ait chuté à une moyenne de 238 milliards de tonnes par année depuis lors, il demeure sept fois plus élevé et n'inclut pas l'été 2019, qui pourrait atteindre un nouveau sommet en raison de la fonte généralisée en été (4). ( Lire Des lentilles de glaces à l'intérieur du manteau neigeux au Groenland intensifient le ruissellement des eaux de fonte vers l'océan. )

vid-img-1
Youtube

Les pertes de glace au Groenland augmentent plus rapidement que prévu

Le Groenland perd de la glace sept fois plus vite que dans les années 1990 et suit le scénario de réchauffement climatique haut de gamme du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, selon une nouvelle recherche publiée dans la revue Nature par une équipe internationale de scientifiques polaires dirigée conjointement par le professeur Andrew Shepherd Leeds et la School of Earth and Environment.

Concernant cette étude 

L'évaluation, dirigée par le professeur Andrew Shepherd de l'Université de Leeds et le Dr Erik Ivins du Jet Propulsion Laboratory de la NASA en Californie, a été soutenue par l'Agence spatiale européenne (ESA) et la National Aeronautics and Space Administration (NASA) américaine.

Références scientifiques

  1. SHEPHERD Andrew & al., Mass balance of the Greenland Ice Sheet from 1992-2018, Nature, December 2019 - DOI : 10.1038/s41586-019-1855-2
  2. Le GIEC prévoit une élévation du niveau de la mer de 50 à 70 centimètres d'ici 2100 selon la voie de concentration recommandée (RCP) 4,5 (Church et al., 2013), avec une estimation moyenne de 60 centimètres. On s'attend à ce que le Groenland contribue de 5 à 16 centimètres à cette hausse, avec une estimation moyenne de 9 centimètres.
  3. Delhasse, A., Fettweis, X., Kittel, C., Amory, C., and Agosta, C.: Brief communication: Impact of the recent atmospheric circulation change in summer on the future surface mass balance of the Greenland Ice Sheet, The Cryosphere, 12, 3409–3418, https://doi.org/10.5194/tc-12-3409-2018, 2018.
  4. Tedesco, M. and Fettweis, X.: Unprecedented atmospheric conditions (1948–2019) drive the 2019 exceptional melting season over the Greenland ice sheet, The Cryosphere Discuss., https://doi.org/10.5194/tc-2019-254, in review, 2019.

Contact

Xavier FETTWEIS – Laboratoire de Climatologie / Unité de recherches SPHERES / Faculté des Sciences

email

Partager cette news