COVID-19 et (dé)confinement : opinion

Le masque, accessoire mode du prêt-à-porter et du luxe


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Le département marketing de nombreuses sociétés a rapidement vu le potentiel du masque et en a fait un accessoire de mode, un objet de promotion d’une marque ou de ses produits, un support identitaire pour des groupes sportifs, culturels ou politiques…

Caroline Duchesne, chercheuse au département Médias, Culture et Communication, qui s’intéresse beaucoup au milieu de la haute couture, constate que le monde du luxe n’est pas en reste.

 

Il n’y a au fond rien d’étonnant à ce qu’un secteur qui assure l’essentiel de sa bonne santé financière au travers de la commercialisation d’accessoires et de cosmétiques s’intéresse à un vêtement que la crise sanitaire impose aujourd’hui et aura, très probablement, banalisé demain.

Le poids du marché asiatique ne fait sans doute que favoriser cet intérêt. Le Japon, et en particulier ses métropoles denses, fait, on le sait, figure d’exemple. Les marques, qu’elles soient de luxe ou de prêt-à-porter, n’ont néanmoins pas attendu la crise sanitaire actuelle pour se saisir de cet accessoire aussi prêt à dissimuler qu’à distinguer.

La presse s’est ainsi beaucoup amusée des masques rétrospectivement qualifiés de « visionnaires » de la collection de prêt-à-porter automne-hiver 2020-2021 de Marine Serre, présentée à Paris fin février. Mais Marine Serre ne prolongeait là qu’un attrait plus ancien pour cet accessoire symboliquement dense, empruntant aux imaginaires du Far West, du street art ou, de manière plus diffuse, de la menace, qu’elle soit atmosphérique ou criminelle.

Gucci, pour ne citer que cet exemple, en commercialise très régulièrement. La chanteuse américaine Billie Eilish a largement participé à leur succès, au moins médiatique, en les arborant publiquement. Les marques Fendi, Off-White, ou Vivianchan, tout comme de nombreuses marques de prêt-à-porter, ne prennent finalement qu’un train déjà en marche. Le secteur du luxe, plus que de populariser cette pièce que la crise sanitaire est occupée à normaliser, n’assurera finalement que son traditionnel et banal office de distinction.

Les masques chirurgicaux que cousent aujourd’hui gracieusement les petites mains de chez LVMH, Chanel ou Nathan à destination du milieu hospitalier, rappellent, en contre-exemple, que l’opération magique par laquelle la valeur pratique d’un vêtement s’efface devant sa valeur symbolique tient moins à la dimension artisanale de la production du secteur qu’à sa mise en scène commerciale ritualisée et centralisée dans une griffe.

CarolineDuchesneCaroline Duchesne est chercheuse au département Médias, Culture et Communication de la Faculté de Philosophie et Lettres. Elle travaille au sein de l'Unité de recherche Traverses.

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© Photo: Shutterstock

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